jeudi 27 juillet 2017

Chantier collectif ce samedi 29 juillet ...à La Chapelle à Toulouse



Grand chantier collectif organisé à la Chapelle !
Au menu :
  • monter un échafaudage géant pour approcher les étoiles !
  • assembler une cabane en bois qui ne vient pas du géant suédois mais de l’ancien squat du Houla-Oups’ !!
  • élaguer quelques branches du figuier qui menacent d’atterrir chez le voisin ...
  • aider à l’édification de la KIOSK Tower, la librairie-bibliothèque autogérée !
mais aussi :
  • nettoyer les gouttières des appentis et de la petite maison
  • ranger les chaises et les tables et les nettoyer / réparer...
Quelque soit vos compétences, venez nous aider ! nous encourager ! ... prendre en photo le chantier !

Écrivez à contact@atelierideal.lautre.net pour nous dire à quelle heure vous pensez amener le fondant au chocolat du goûter !

Rendez-vous samedi 29 juillet | 10h30 @ La Chapelle




... et la collecte de dons se termine lundi 31 juillet !
Notre 1ère collecte de dons destinée à financer les travaux se termine ce lundi 31 juillet !
Déjà plus de 240 donateurs·trices pour presque 25 000 € ! Et même quasiment 30 000 € du fait de promesses de dons...
Largement de quoi démarrer les travaux, mais nous aurons également des frais liés à la signature du bail emphytéotique et de la promesse de vente... alors aidez-nous à gonfler notre collecte !

Si vous n'avez pas encore donné et que vous avez l'intention de le faire, il vous reste 5 jours !
Faire un don

Très bon été !

LA CHAPELLE


Lieu d'expérimentation sociale, politique, et culturelle depuis 1993 !
36 rue Danielle Casanova, 31000 Toulouse
Métro Canal du Midi

www.atelierideal.lautre.net (programme complet)
www.lachapelletoulouse.fr (appel aux dons détaillé)
www.facebook.com/atelier.ideal

mercredi 26 juillet 2017

Boulots de merde : « On revient à une économie de type féodale, une économie de la domesticité »

Source : Bastamag

Publié en novembre 2016
Produire ou servir plus, avec moins : c’est l’injonction faite à tous les travailleurs, des chaînes de montage automobiles aux couloirs des hôpitaux, en passant par les salles de classe ou les bureaux de poste. A la souffrance de ces boulots dégradés, s’ajoute la précarité grandissante de travailleurs qui quittent le salariat pour la « liberté » de l’auto-entrepreunariat. Une violence sociale féroce dans laquelle les journalistes Julien Brygo et Olivier Cyran ont plongé pour écrire leur ouvrage Boulots de merde. Ils y décrivent l’âpre quotidien de celles et ceux qui exercent des métiers difficiles et souvent utiles, à comparer avec certains boulots très bien payés et plutôt confortables, mais qu’ils jugent socialement nuisibles. Entretien.
Basta ! : Le titre de votre livre, Boulots de merde, se réfère au texte de l’anthropologue David Graeber sur les « bullshit jobs » [1]. Il y décrit les métiers absurdes qu’induit le capitalisme financier, tels que ceux exercés par les avocats d’affaire, lesquels s’ennuient prodigieusement au travail. Mais pour vous, les bullshit jobs ne concernent pas que les cols blancs, loin s’en faut. Pourquoi ?
Julien Brygo et Olivier Cyran [2] : Nous avons été séduits par cette idée de David Graeber selon laquelle, dans le capitalisme financier, des millions d’individus sont employés à ne rien faire d’utile, comme effectivement les avocats d’affaire : ils sont bien payés et très reconnus socialement, mais ils s’ennuient tellement au travail qu’ils passent leur temps à télécharger des séries ou à réactualiser leur page Facebook. Ceci dit, il nous semble que les « vrais » boulots de merde, ce sont quand même plutôt ceux qui sont exercés en bas de l’échelle sociale dans les secteurs du nettoyage, de la restauration, de la livraison à domicile, de la distribution de prospectus publicitaires, etc. Bref : des métiers pénibles où l’on paie de sa personne, qui participent à la croissance du PIB et à la baisse des chiffres du chômage.
Nous pouvons y ajouter les boulots « utiles » comme les infirmières, les professeurs ou les facteurs, dont les conditions se sont tellement dégradées qu’ils deviennent vraiment « merdiques » eux aussi. Nous avons voulu incarner ces vies et tracer un lien avec les gestionnaires de patrimoine et autres héros financiers tels que les journalistes boursiers, qui exercent des métiers nuisibles socialement : les gestionnaires de patrimoine font partie des organisateurs de ce qui est appelé béatement « l’optimisation fiscale » et qui prive la collectivité des recettes de l’impôt.
« À la faveur de l’entassement des richesses dans les mains d’une élite de plus en plus dodue et capricieuse, le secteur des tâches domestiques où l’on s’abaisse devant son maître se répand », dites-vous. Pouvez-vous détailler ?
Entre 1995 et 2010, dans le monde, le nombre de travailleuses domestiques a grimpé de plus de 60 %. 52 millions de femmes exercent ces « métiers ». Cette hausse correspond à la montée des inégalités. On revient à une économie de type féodale, une économie de la domesticité dans laquelle les plus riches sous-traitent leur confort en employant une nounou, ou bien une, deux ou trois bonnes. Le tout avec le soutien de l’État puisque, par exemple, la gauche plurielle de Lionel Jospin a instauré en France le subventionnement de tous ces métiers via les crédits d’impôts.
Des métiers que l’on croyait disparus, parce que réservés à une époque de semi-esclavagisme, refont leur apparition, comme les cireurs de chaussures, parfois avec l’étiquette « économie sociale et solidaire ». Suite à un appel à projets lancé en 2012 dans le département des Hauts-de-Seine, sous l’égide de Jean Sarkozy, le réseau « les Cireurs » a ainsi obtenu 50 000 euros de subvention au titre de « l’aide à l’économie sociale et solidaire ». Fondé par une diplômée d’école de commerce, ce réseau réunit des individus qui, en contrepartie du droit d’usage de l’enseigne (censée appâter le chaland), acceptent d’être auto-entrepreneurs. Pas d’indemnités en cas d’arrêt maladie, aucun droit aux allocations chômage.
Au lieu d’un salaire, le cireur touche un cachet horaire sur lequel il doit payer lui même une taxe de 23 %. De son côté, la structure démarche des centres commerciaux pour leur vendre l’implantation de ses « artisans cireurs ». Les cireurs paient de leur poche le matériel et l’habillement. S’ils n’ont pas les moyens d’investir, ils peuvent obtenir un prêt accordé par l’association pour le droit à l’initiative économique à un taux d’intérêt compris entre 6 et 8 % ! Au final, la rémunération du cireur est maigre, sa précarité totale. Mais on nous vend un métier « renouvelé », avec des gens qui travaillent « pour eux », sous prétexte qu’ils ne sont pas salariés.
« Je ne gagne pas un Smic, ça c’est clair », dit un cireur de chaussures que vous citez. Mais les auto-entrepreneurs ne sont pas les seuls à travailler à bas coût. Vous expliquez que des millions de salariés travaillent bien en-deçà du Smic.
On entend partout que le Smic c’est « l’ennemi de l’emploi ». Mais le Smic n’existe plus depuis longtemps. Il existe de nombreuses manières de passer outre le salaire minimum. Par exemple, le CDI à temps partiel, avec la pré-quantification du temps de travail. C’est ce qui a été négocié par les géants de la distribution de prospectus publicitaires, Adrexo et Médiapost. Les salariés que nous avons rencontrés travaillent 30% de plus en moyenne que ce qui est indiqué sur leur contrat, et que ce qui leur est payé. Un couple de retraités touchait à peine trois euros de l’heure, soit deux fois et demi moins que le Smic ! La convention collective de la restauration est un autre moyen de faire travailler les gens gratuitement : les heures supplémentaires ne sont pas payées. Résultat ? Les salariés sont payés 24 heures, et en font 60. Le reste étant – parfois – payé au black. Dans les secteurs où la France est championne – le tourisme, la grande distribution, l’hôtellerie-restauration… –, il y a au moins deux millions d’emplois payés entre 25 et 80 % du Smic !
Il y a en fait une vraie fascination du patronat pour le travail gratuit, et les dirigeants politiques s’empressent de leur donner des outils juridiques qui légalisent cette gratuité : prenons le service civique payé deux fois moins qu’un Smic – et même seulement 1/10ème du Smic pour l’employeur – ; ou encore le contrat de professionnalisation auquel recourt beaucoup la grande distribution : pour 150 heures de formation théorique – qui consiste en fait à remplir des rayons ou à faire du nettoyage – l’entreprise touche 2 250 euros par contrat. Le dispositif coûte des millions d’euros aux contribuables chaque année.
Y a-t-il là une spécificité française ?
La grande distribution, c’est une spécialité française. Et le secteur est friand de boulots dégradés. Le projet Europacity (immense centre commercial à proximité de Paris, ndlr), du groupe Mulliez et de sa filiale Immochan, c’est la promesse de 10 000 boulots de merde. Autre secteur passionné par cette économie du « larbinat » : le tourisme. Dans les Alpes, des vallées entières sont de véritables réservoirs à larbinat : tout le monde travaille pour les quelques privilégiés qui peuvent se payer des sports d’hiver. Il y a des contrats prévus pour les CDI à temps partiels, les intermittents, les apprentis, les stagiaires, etc. Précisons que la France est aussi championne du monde des anti-dépresseurs et des médicaments, notamment pour supporter tous ces travaux infernaux.
Le secteur privé n’est pas le seul à malmener les travailleurs. Les fonctionnaires sont eux aussi essorés par les « restructurations » de services et les suppressions de postes en pagaille. Que vous-ont raconté les fonctionnaires que vous avez rencontrés ?
L’obsession pour la réduction des effectifs est un drame. Tout le monde semble s’accorder pour dire qu’il est important de réduire le chômage. C’est constamment dans la bouche des responsables politiques. Mais la phrase d’après, c’est : « Je m’engage à virer 500 000 fonctionnaires ». Parce qu’ils n’arrivent pas à se figurer que des métiers qui ne dégagent pas de marge financière puissent néanmoins être utiles. Tout doit être « rentable ». Nous payons des années de convergence idéologique entre les élites politiques et les détenteurs du capital. Les gens chargés de « réorganiser » drastiquement le CHU de Toulouse, où nous avons fait un reportage, sortent d’écoles de commerce. Ils ont officié chez Carrefour, Pimkie et Danone. Ils se retrouvent à gérer sur ordinateur de l’humain, alors qu’ils ne connaissent que les chiffres.

Les aides soignantes et les infirmières sont censées remplir des chiffres bêtement sans se poser de questions. Elles doivent soigner tant de malades en une journée, peu importent les spécificités des personnes malades ou les imprévus. Elles ont tant à faire en si peu de temps que leur travail est devenu impossible (Ndlr : lire notre article sur le sujet : Sauver des vies en temps de crise : le difficile quotidien des infirmiers). En fin de journée, elles sont épuisées et complètement stressées parce qu’elles ne savent plus si elles ont posé correctement telle perfusion, donné tel médicament à la bonne personne au bon moment...
Tous les services publics sont touchés par cette recherche de rentabilité. Les facteurs se sont ainsi transformés en vendeurs de systèmes de télésurveillance, ou en promeneurs de chiens. L’objectif est de soutirer de l’argent à cette importante manne financière que sont les vieux en France. Cela porte évidemment atteinte à la dignité des facteurs, qui ont toujours aidé les plus anciens au cours de leurs tournées, mais gratuitement ! Les policiers de leur côté sont devenus des machines à gazer des manifestants ou des réfugiés. Certains en ressentent un certain malaise. Être obligé de reconduire tant de migrants à la frontière chaque année, cela n’est pas sans conséquences mentales sur les personnes.
Vous expliquez que tous ces « remaniements » de services publics sont inspirés du « lean management », une méthode élaborée dans les années 1950 au Japon par les ingénieurs de Toyota, et revue par le très libéral Massachusetts Institute of Technology (MIT) aux États-Unis au début des années 1990. Comment cela se traduit-il dans le monde du travail ?
Le « lean management » est devenu la marotte des directions de ressources humaines, et s’immisce et se propage dans tous les secteurs du monde du travail : dans les multinationales ou les services publics, chez les gros industriels et les sous-traitants. Il consiste à imposer aux salariés de faire plus avec moins, en s’attaquant notamment à tous les temps morts : les pauses jugées superflues, les respirations qualifiées d’improductives, toutes les minutes qui ne sont pas « rentables ». Dans nos reportages, tout montre que les travailleurs n’arrivent pas à faire face à cette intensification du travail. Ce qu’on leur impose en terme de rythme et d’objectifs n’a plus de sens. Nous nous dirigeons vers un état de souffrance au travail généralisée. Il y a des vagues de suicides partout. Et on parle là des secteurs de la santé ou de l’éducation : ce sont des secteurs fondamentaux de notre vie sociale.
Tout cela ne se fait-il pas avec le prétendu assentiment des salariés, que l’on somme de participer au changement organisationnel ?
Si. C’est toute la perfidie du « lean management ». On donne aux salariés l’illusion qu’ils peuvent changer le système ; en fait on les oblige à accepter de se faire humilier. C’est le principe de la bonne idée rémunérée chez PSA : 300 euros pour l’idée simple, 500 euros pour la super idée, 1 000 euros pour l’excellente idée. On fait croire aux salariés qu’ils sont d’accord et qu’ils valident le système. Alors que c’est faux, bien entendu. Neuf salariés sur dix pensent qu’ils ont besoin de plus de collègues, et de plus de temps pour pouvoir bien faire les choses. Un infirmer de Toulouse nous a expliqué qu’il a besoin de moins de produits anesthésiants lorsqu’il prend le temps de parler avec ses patients avant de les endormir. Mais ce n’est pas du tout intégré par la nouvelle organisation. Il doit faire vite, endormir tant de patients en une journée, peu importe si pour cela il doit consommer plus de produits. Toute cette organisation du travail a des effets criminels : il y a eu quatre suicides cet été à l’hôpital de Toulouse.
En France, la « loi travail », qui a fait l’objet d’une intense mobilisation durant l’année 2016, a-t-elle pour conséquence d’entériner ces méthodes ?
Avec cette loi, qui vise à faire passer le code du travail au second plan, on s’éloigne encore davantage du principe « une heure travaillée = une heure payée ». Elle est taillée sur mesure pour les entreprises qui veulent en finir avec le salariat. L’article 27 bis précise par exemple qu’il n’y a pas de lien de subordination entre les plate-formes de mise en relation par voie électronique comme Uber et les auto-entrepreneurs qui travaillent pour elles. C’est ce lien qui définit le salariat et permet entre autres aux travailleurs d’aller aux Prud’hommes faire valoir leurs droits. On désarme complètement les travailleurs, alors qu’ils subissent un vrai lien de subordination – ce sont les plate-formes qui leur donnent du travail, évaluent les travailleurs et les sanctionnent – sans les compensations garanties par le statut salarié.
Un livreur à vélo pour une « appli » de repas à domicile le souligne dans notre livre : « Pour arriver à un salaire intéressant, il faut travailler une soixantaine d’heures par semaine. Sur ce revenu, il faut payer environ 23% d’impôts au titre de l’auto-entrepreneuriat. L’arnaque totale. T’es taxé alors que eux, tes patrons, ils ne paient aucune cotisation sociale. » Les livreurs sont incités à aller très vite, quitte à frôler les accidents, étant donné qu’ils sont payés à la course. Et celui qui tombe de son vélo, il se fait non pas virer, mais « éliminer ». Il « quitte le jeu », en quelque sorte. Il ne touche plus aucun salaire, ni aucune indemnité. C’est un système d’une violence incroyable, qui se fait passer pour cool, jeune et dynamique. Les livreurs n’ont pas le droit au scooter, ils ne doivent rouler qu’à vélo – qu’ils doivent se procurer eux-mêmes – parce que cela donne une image écolo à l’entreprise...
Vous reprochez aux médias leur complicité avec ces conceptions très libérales du travail...
Les médias jouent un rôle central dans la diffusion de cette idée sous-jacente que la précarisation est nécessaire. Il faut travailler pour avoir une existence sociale quels que soient l’emploi et les conditions de travail. Le fait de donner chaque mois les chiffres du chômage nous plonge dans une vision statisticienne du monde, avec cet objectif de faire baisser le chômage quoi qu’il en coûte. Les journalistes relaient avec beaucoup de zèle cette idée selon laquelle « mieux vaut un mauvais travail que pas de travail du tout ». Cela devient légitime d’accepter un boulot de merde simplement parce qu’il est proposé. Évidemment, pour rien au monde les journalistes ne feraient ces boulots de merde. Nous avons là une vision de classe.
Les médias jouent aussi beaucoup avec la culpabilisation du chômage, en répétant sans cesse à quel point c’est honteux de ne pas travailler, et en enchaînant les « Une » sur les avantages de l’auto-entreprenariat. Nous sommes étonnés de constater, même autour de nous, à quel point les gens ont honte de dire qu’ils touchent des prestations sociales. Alors que cet argent, les gens l’ont cotisé, via leurs boulots antérieurs. Ce sont des garde-fous qui ont été mis en place pour éviter que des gens ne tombent dans la misère totale.
Les médias sont par ailleurs très sévères quand ils décrivent les luttes sociales, comparant volontiers les grévistes avec des preneurs d’otages, ou les manifestants avec des casseurs. Entre ces jugements très négatifs et la répression qui va grandissante, les luttes collectives peuvent-elles se faire une place, et redonner du sens au travail ?
Il nous semble que le patronat va tout faire pour imposer l’idée selon laquelle il faut qu’on accepte cette société de mini-jobs, sans salaire minimum, avec des contrats « modernes », c’est-à-dire au rabais, davantage proche de l’auto-entrepreunariat que du salariat avec ses « acquis » sociaux qu’ils jugent « insupportables ». Au niveau juridique et législatif, tout est bouché. L’inspection du travail est attaquée de front. Les procédures prud’hommales engendrent parfois plus de cinq ans d’attente – et de paperasse – pour obtenir réparation et se faire rembourser l’argent volé. C’est un combat très inégal.
La criminalisation des mouvement sociaux et la répression des luttes collectives répondent à l’obsession politique clairement formulée qui vise à désarmer la CGT : ils veulent empêcher les travailleurs de reprendre le contrôle de leur travail et d’exercer leur capacité de nuisance sociale afin d’inverser un rapport de force. Cela indique que le patronat et ses relais politiques sont prêts à un affrontement, qu’ils exigent même la violence de cet affrontement.
Ils veulent faire sauter les derniers verrous, ils veulent une société sans filets, où quelques privilégiés auront accès à des métiers survalorisés socialement et correspondant même à des compétences, tandis qu’en bas, ils poseront les jalons d’une société de logisticiens du dernier mètre payés à la tâche, esclaves des machines et de l’auto-exploitation auquel le capitalisme les auront assignés presque naturellement. Et lorsque le logisticien sera remplacé, il pourra toujours louer sa maison, sa guitare, sa voiture, pourquoi pas vendre père et mère, pour ne pas sombrer dans la misère ni « vivre avec la honte » d’être un « assisté ». On va sans doute aller vers une radicalisation des mouvements sociaux. Avec une grande répression derrière. C’est la seule possibilité pour le libéralisme économique de continuer à structurer nos vies : par la force.

Propos recueillis par Nolwenn Weiler

Julien Brygo et Olivier Cyran, Boulots de merde, du cireur au trader. Enquête sur l’utilité et la nuisance sociale des métiers,

 éditions La Découverte, septembre 2016, 240 pages, 18,50 euros.
Pour le commander chez une librairie proche de chez vous, vous pouvez vous rendre sur La librairie.com.

Notes

[1Voir l’article « On the phenomenon of Bullshit Jobs ».
[2Julien Brygo et Olivier Cyran sont journalistes indépendants. Julien Brygo est par ailleurs réalisateur de films photographiques. Olivier Cyran est également traducteur.

mardi 25 juillet 2017

Val Tolosa : Et la lutte continue, la Résistance s'organise


Besoin de monde à Val Tolosa

Rassemblement ce lundi 24 juillet

Article mis en ligne le 22 juillet


Bonjour tout le monde,
Un petit mail d’espoir et de colère, une demande d’aide aussi.
Le projet de centre commercial Val Tolosa contre lequel nous luttons depuis plus de 10 ans prévoit de lancer les travaux lundi, en commençant par décaper le terrain et les espèces protégées qui sont dessus. Le dernier hic en date ? La préfecture et la mairie ont pris fait et cause pour le projet, au point de faire fi des décisions juridiques. Après la mairie qui accorde un nouveau permis (illégal la zone ayant été classée non constructible) en 2016 après l’annulation du précédent permis par la justice, c’est la préfecture qui accorde cette en 2017 une nouvelle autorisation de destruction d’espèces protégées, alors que la précédente a été jugée illégale 2 fois !
Accordée en 2013, cette autorisation de la préfecture a été annulée une première fois en 2016 par le tribunal administratif de Toulouse, celui-ci ne reconnaissant pas le caractère d’intérêt public majeur du projet de centre commercial (mis en avant par la préfecture pour délivrer l’autorisation). Le promoteur Unibail Rodamco a fait appel de cette décision, et l’affaire est partie à Bordeaux. Voilà un peu plus d’un mois, le rapporteur public rendait son avis sur le cas au tribunal, pour aider le juge à se prononcer. Dans la grande majorité des cas, les juges se rangent à l’avis de l’enquêteur public. Celui-ci a appuyer l’annulation de l’autorisation du juge en première instance, appuyant sa position par le fait que ce projet ne tient pas compte des destructions d’emploi, qu’il est hors de son époque, qu’il n’y a pas de transports en commun de prévu, que la zone est déjà encombrée par les bouchons aux heures de pointe, et que la situation ne fera qu’empirer, etc... Bref, que ce centre commercial n’est pas ce que nous vend ses promoteurs.
Suite au rapport de l’enquêteur public, le juge a un mois pour se prononcer. La décision du juge était donc attendue pour le 13 juillet. Et le 13 juillet, le juge se range à l’avis du rapporteur public, confirmant l’annulation de l’autorisation de destruction d’espèces protégées, reconnaissant les arguments du rapporteur.
Mais le 19, la préfecture publie dans son journal la nouvelle autorisation de destruction d’espèce protégée (demandée dès 2016 par le promoteur), datée du 12 juillet !
Le préfet n’a donc cure des décisions de justice, et les bafoue même en accordant sa nouvelle autorisation la veille du jugement en appel de la précédente autorisation, celui-ci ayant de forte chance de confirmer son annulation.
Et voilà, la justice annule un permis de construire, le maire en délivre un autre dans la foulée. La justice annule une autorisation de destruction d’espèces protégées, ne lui reconnaissant aucune légitimité, le préfet en accorde une autre...
Et quand des gens décident de s’opposer physiquement aux machines pour que ce ne soit plus les magouilles de ceux qui sont aux manettes qui décident de tout, au mépris des populations, de la nature, et même de la justice, on les traite de voyous, casseurs,...
Mais dans cette histoire, comme à Sivens, Notre Dame des Landes ou dans d’autres lieux de lutte, c’est qui les voyous ?
Je rappelle qu’un préfet n’est pas sensé prendre parti dans les luttes pouvant avoir lieu sur son territoire, mais simplement veiller aux respect des lois et à la sécurité de tous. Ou est le respect des lois ? Et la sécurité quand il sait pertinemment que ses décisions vont provoquer des affrontements sur le terrain ?
Alors oui, nous allons avoir besoin d’aide. Lundi démarre la lutte contre les travaux. Objectif ? Empêcher ceux-ci de démarrer en attendant que la demande de référé lancée par notre avocate soit reçue et jugée, pour suspendre les travaux. Objectif du promoteur ? Détruire les espèces protégées avant que celui-ci ne soit jugé, pour mettre en avant que les espèces protégées ne sont déjà plus là, politique du fait accompli.
A ceux qui refusent ce cynisme, et refusent de laisser l’argent et les magouilles décider pour nous, répondez à ce mail ou à mon tel 06 14 94 29 78).
Ça se passe à Plaisance du Touch, à 15km à l’ouest de Toulouse.
La lutte continue,

Tanguy Aubé du Collectif Non à Val Tolosa
PS : message à diffuser le plus largement possible

Source : echanges-zad31(chez)lists.riseup.net

Baignade interdite # 6


Teaser Baignade Interdite #6 from Asso Triple A on Vimeo.

Pétition contre la baisse des APL et ...

Cet été, après avoir baissé ou supprimé les APL de 80 000 ménages aux loyers élevés, le gouvernement revient avec un nouveau projet de rabotage. Cette fois, 650 000 foyers sont menacés ! Le gouvernement pénalise les personnes modestes en taxant le peu d’économies qu’elles réussissent à conserver.

Il s’agit d’inclure les livrets A, les livrets développement durable, les livrets d’épargne populaire et les maisons familiales dans le calcul de ces aides.
Concrètement, une maison de famille qui ne peut pas être utilisée comme résidence principale du fait de sa localisation, sera considérée comme produisant un revenu. Pour l’épargne défiscalisée, la CAF considérera qu’elle produit un revenu de 3% - quand en réalité le livret A n’est rémunéré qu’à hauteur de 0,75%. C’est une fiscalisation déguisée des produits d’épargne des ménages. Pour faire des économies, le gouvernement s’attaque aux foyers modestes, déjà bien mal en point dans un contexte de montée du chômage et de la pauvreté. En revanche, il ne touche pas aux 2 milliards d’euros de niches fiscales pour les propriétaires bailleurs qui profitent aux classes les plus aisées de la société.

La CNL exige du gouvernement l’abandon de ce projet, la revalorisation des aides au logement et l’augmentation de son financement pour la construction de logements sociaux.


Cette pétition sera remise à:
  • Ministre du Logement et de l'Habitat durable
    Emmanuelle cosse

Quand le bio dénature le bio

Source : Le Monde Diplomatique

Promesse de campagne du président Macron, les États généraux de l’alimentation ont démarré ce jeudi et se poursuivront jusqu’en novembre. Centré sur les questions des modèles de production et de la situation des agriculteurs, leur programme ne place pas l’agriculture biologique au cœur des débats. « Engagée depuis 2013, l’actuelle révision de la réglementation européenne fait craindre la disparition de [ses] principes fondamentaux », alertait Claire Lecœuvre en juin dernier.
Un label agricole toujours moins exigeant

Quand le bio dénature le bio

Démarche vertueuse en termes d’emploi, d’utilisation des ressources et de santé publique, l’agriculture biologique progresse rapidement en France. Alléchées, l’industrie agroalimentaire et la grande distribution entendent bien s’emparer de ce marché. Au risque d’en effacer les fondements en faisant pression sur la Commission européenne pour réduire les exigences de qualité.
«Rien ne ressemble plus à une pomme qu’une autre pomme, lance M. Claude Gruffat, président-directeur général de Biocoop. Ce qui fait la différence, ce sont les valeurs. » L’agriculture biologique représente désormais 5,7 % des surfaces agricoles françaises, soit trois fois plus qu’en 2002. Ce marché en pleine croissance attire d’importants groupes de transformation et de distribution, alors que les grandes surfaces alimentaires vendent déjà près de la moitié des produits estampillés « bio » (45 % pour la France en 2015). « La bio n’est plus vue comme une valeur agronomique ; elle est de plus en plus valorisée comme n’importe quelle niche de marché », constate Benoît Leroux, maître de conférences en sociologie à l’université de Poitiers.
L’agriculture biologique est née d’une contestation de la production intensive et du modèle économique de l’industrie agroalimentaire. Les approches alternatives apparaissent dès les années 1920, tandis que les premiers groupes se structurent entre 1950 et 1960 (1). Créée en 1964, l’association Nature et Progrès permet la reconnaissance du mouvement. Celui-ci milite pour redonner aux agriculteurs une plus grande autonomie vis-à-vis des intermédiaires. Pour gagner la confiance des consommateurs, nécessaire à la valorisation de leurs produits et à leur développement, les militants entrent dans une phase d’institutionnalisation.
En 1978, Nature et Progrès met en place le premier cahier des charges technique, tandis qu’est créée la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). La Fédération internationale du mouvement de l’agriculture biologique (Ifoam) détermine un peu plus tard quatre grands principes : la santé des sols, des plantes, des animaux et des hommes, considérée comme une et indivisible ; l’écologie, en s’accordant avec les écosystèmes et leurs cycles, en les imitant et en les aidant à se maintenir ; l’équité, à la fois dans les rapports entre les êtres humains et à l’égard des autres créatures vivantes ; et la précaution, par une conduite prudente et responsable.

Producteurs sous pression

« L’État français ne reconnaît qu’en 1980 une agriculture qui n’utilise pas de produits de synthèse, explique Benoît Leroux. Il faut même attendre 1988 pour que le nom d’“agriculture biologique” soit adopté comme tel. » Cette reconnaissance ne prend en compte que l’absence de pesticides, évacuant d’emblée la vision sociale portée par les paysans. Cette logique se perpétue en 1991, lors de la création de la réglementation européenne. Depuis, l’harmonisation imposée par l’Union européenne n’a pas arrangé les choses. La première révision, appliquée en 2009, a entraîné la disparition de la possibilité pour chaque État d’imposer un cahier des charges plus rigoureux, comme c’était le cas en France.
Engagée depuis 2013, l’actuelle révision de la réglementation européenne fait craindre la disparition de principes fondamentaux. Les batailles entre le Conseil des ministres, le Parlement et la Commission européenne, censées aboutir prochainement à un nouveau règlement européen, témoignent de la volonté de certains gouvernements de favoriser l’agro-industrie. Après quatorze trilogues (2) et quatre présidences du Conseil des ministres, soit la plus longue négociation agricole de l’histoire, aucun accord n’a été trouvé sur plusieurs points litigieux.
Exemple : le Conseil des ministres européen souhaite autoriser (sous conditions de latitude ou d’altitude) la culture hors sol. Imaginer des cultures en bacs qui faciliteraient une industrialisation fait bouillir des associations comme la FNAB. Les ministres invoquent son acceptation aux États-Unis pour l’imposer en Europe, au nom de la concurrence et de la reconnaissance mutuelle des cahiers des charges. « Les Pays-Bas — principal pays producteur de tomates en Europe — soutiennent cette proposition, explique le député européen José Bové. Comme l’Italie et le Luxembourg. » Alors que les membres du Groupe des Verts - Alliance libre européenne martelaient qu’ils ne fléchiraient pas, des voix se sont fait entendre pour réclamer l’arrêt des négociations.
Autre point de blocage : le passage d’une obligation de moyens (ne pas utiliser de produits chimiques) à une obligation de résultats (retrait de la certification si de tels produits sont décelés). Or des contaminations peuvent se produire en provenance de champs voisins. Mais le Conseil des ministres ne veut pas entendre parler d’un fonds d’indemnisation des agriculteurs bio concernés, ni de la mise en cause des véritables responsables.

L’agriculture biologique dans l’Union Européenne

Cécile Marin, juin 2017 Aperçu
Pour Ève Fouilleux, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le problème est plus profond. Aujourd’hui, les agriculteurs sont contrôlés par des organismes certificateurs privés, indépendants et payés par le producteur. En France, ceux-ci sont accrédités par une section du Comité français d’accréditation (Cofrac), un organisme public. Cette manière de procéder a été imposée par les normes européennes (3). Il en existe une autre : le système participatif de garantie, reconnu notamment par le Brésil, le Chili et l’Inde. C’est celui qu’utilise Nature et Progrès, dont la certification n’est pas reconnue par l’Union européenne. Les agriculteurs ainsi que les consommateurs se réunissent localement par groupes pour vérifier les pratiques de chacun. « Les normes actuelles enferment dans une pensée marchande et entraînent une dépolitisation. Le système participatif permet au contraire un échange de pratiques et l’implication de consommateurs et de citoyens dans le processus », fait valoir Ève Fouilleux (4).
Dans ce contexte, une grande diversité d’agriculteurs bio et de transformateurs a vu le jour. Derrière un discours environnemental bien lisse, les arguments économiques conduisent à saper les normes internationales au nom de la rentabilité. Carrefour, Monoprix, Système U créent de nouvelles filières, des marques de distributeur, des magasins spécialisés, en investissant dans des partenariats avec des groupements de producteurs. « Pour l’instant, la demande demeure si forte que les prix sont corrects. Celui du lait est de 30 à 40 % supérieur à celui du conventionnel. Il ne faudrait pas que, sur le long terme, les prix soient tirés vers le bas. Or cela a toujours été la politique des grandes et moyennes surfaces [GMS]  », analyse Marc Benoît, économiste et codirecteur du Comité interne de l’agriculture biologique de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Une fois que la grande distribution aura la mainmise sur ce marché, elle risque de faire pression pour réduire les coûts.
La filière œufs préfigure-t-elle l’évolution en cours ? Son cahier des charges limite le nombre de poules par bâtiment à trois mille ; mais il ne limite pas le nombre de bâtiments et prévoit un espace plus petit que le Label rouge (quatre mètres carrés par poule au lieu de cinq). En Italie, l’entreprise Eurovo se vante de posséder des élevages bio de 90 000 et 250 000 poules pondeuses près de Florence. Les impératifs de rentabilité ont largement pris le pas sur les valeurs de la bio. En France, 78 % des œufs bio sont vendus dans les GMS et les magasins spécialisés dans les rabais. Les producteurs restent très dépendants des fournisseurs d’aliments, même si 20 % de la nourriture des animaux doit provenir de l’exploitation ou, à défaut, de la région. « Très peu produisent leurs propres aliments en bio. Même s’ils produisent la matière première, les céréales, ils les revendent au fabricant d’aliments, car les formules sont très techniques, et plus encore en bio », indique Mme Pascale Magdelaine, la directrice du service économie de l’Institut technique de l’aviculture.
La dépendance est aussi forte à l’égard des centres de conditionnement qui achètent les œufs aux producteurs pour les revendre aux supermarchés ou aux industries agroalimentaires. Certaines entreprises comme Cocorette et Matines proposent d’ailleurs des contrats d’intégration. Elles achètent tout : les bâtiments, les poulettes, et fournissent même les aliments — bio, évidemment. Le producteur n’est alors qu’un simple prestataire qui n’a plus de pouvoir ni sur le prix qu’on lui paie ni même sur ce qu’il produit et la façon dont il le produit. Avec les marques de distributeur, les agriculteurs perdent toute autonomie : « Les marques peuvent facilement changer de centre de conditionnement pour un autre moins cher », témoigne M. Bernard Devoucoux, président de la commission bio du Syndicat national des labels avicoles de France.
La situation n’est guère meilleure dans la filière lait. Producteur, M. Vincent Perrier témoigne d’un problème d’écoute : « Je suis parti en bio pour travailler différemment. Je cherchais aussi un modèle de développement harmonieux pour tous. J’ai d’abord continué chez Danone ; le bio partait pour sa filiale Les 2 Vaches. On me disait seulement : “Il y a un prix et si vous ne pouvez pas, c’est que vous avez un problème de compétitivité, on va voir ailleurs.” » Il a préféré claquer la porte et contacter Biolait, qui permet aux producteurs de se regrouper pour mieux peser : « Nous décidons ensemble de notre prix, le même pour tous. »
Se regrouper pour être plus fortes : c’est aussi le but des coopératives agricoles, dont le fonctionnement n’a pourtant plus rien de démocratique aujourd’hui. Conscients de ce risque de dérive, les adhérents de Biolait et de bien d’autres structures, tel Biocoop pour la distribution, essaient de ne pas tomber dans les mêmes travers en conservant une vision commune : celle du changement de société. « La capacité collective des producteurs à peser sur le changement d’échelle est un des garde-fous de cette transformation. C’est ce qu’essaient de faire des organisations économiques de producteurs biologiques comme Biolait, Bio Loire Océan, BioBreizh et d’autres », explique Ronan Le Velly, maître de conférences en sociologie (5).
Défendu fermement par la FNAB, l’accompagnement des agriculteurs joue un rôle-clé. Dans un système biologique, la reconfiguration globale de l’exploitation — et pas seulement la substitution d’intrants chimiques par d’autres agréés en bio — s’avère essentielle pour perdurer dans le temps. « Les agriculteurs bio qui réussissent sont ceux qui ont un système complexe. Il n’y a pas de recette unique. Les agriculteurs ont besoin de connaissances agronomiques, et bon nombre d’entre eux ont perdu ces bases-là », analyse Marc Benoît.

Une approche uniquement technique

« Aujourd’hui, les agriculteurs bio sont pour la plupart des nouveaux convertis ou installés, observe Benoît Leroux. Certes, il existe maintenant des formations en bio. Mais il y a une forme d’atavisme professionnel. L’agriculture biologique remet en question le modèle considéré comme celui du progrès. Dans le milieu, la bio est toujours décriée comme étant incapable de nourrir la planète. » Incarnation du productivisme, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) dispose pourtant désormais de sa propre commission bio. « Si on ne fait que répéter qu’il faut une modification totale de l’exploitation, en culpabilisant les gens, les agriculteurs ne vont pas se convertir », affirme M. Rémy Fabre, l’un de ses membres.
Du côté des chambres d’agriculture, on explique que les possibilités d’accompagnement sont limitées par l’impératif d’efficacité économique : « Nous avons des moyens contraints. Un conseiller agricole ne peut pas se contenter d’accompagner dix agriculteurs ; il doit suivre quatre-vingts à cent exploitations. Il n’y a que des groupements bio, des syndicats, qui peuvent faire ce travail pour défendre leur système de pensée, estime M. Jacques Pior, responsable national du développement de l’agriculture biologique au sein de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. En tant qu’organisme public, nous devons nous occuper de tous les agriculteurs, nous ne pouvons pas opérer une ségrégation entre eux. »
Fin 2016, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, M. Laurent Wauquiez (Les Républicains), a décidé de transférer l’accompagnement technique, jusque-là réalisé par des associations réunies au sein de Corabio, vers les chambres d’agriculture. Cette mesure s’est accompagnée de la suppression des financements aux associations de soutien à l’agriculture paysanne telles que Terre de liens. Or, si les chambres d’agriculture détiennent de réelles compétences, la généralisation d’une approche exclusivement technique exclut toute vision philosophique ou éthique.
En s’intégrant aux circuits classiques et aux logiques financières dominantes, l’agriculture biologique, censée représenter une solution de rechange à un système global, ne risque-t-elle pas de perdre son âme ? Déjà, une bio à deux vitesses se dessine. La première, guidée par les nouveaux acteurs de ce marché, se cale sur un respect minimal des normes, quitte à reproduire les aberrations et les inégalités du système conventionnel. La seconde tente de préserver sa spécificité en renforçant ses engagements par des chartes, des labels plus exigeants ou des groupements de producteurs. Reste à savoir si les consommateurs auront les moyens de faire la différence.
Claire Lecœuvre
Journaliste.

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(1) Benoît Leroux, « L’émergence de l’agriculture biologique en France : 1950-1990 », Pour, no 227, Paris, février 2016.
(2) Réunions tripartites informelles auxquelles participent des représentants du Parlement européen, du Conseil et de la Commission.
(3) Ika Darnhofer, Thomas Lindenthal, Ruth Bartel-Kratochvil et Werner Zollitsch, « Conventionalisation of organic farming practices : From structural criteria towards an assessment based on organic principles », Agronomy for Sustainable Development, vol. 30, no 1, Les Ulis, mars 2010.
(4) Ève Fouilleux et Allison Loconto, « Voluntary standards, certification and accreditation in the global organic agriculture field : A tripartite model of techno-politics », Agriculture and Human Values, vol. 34, no 1, Berlin, 2016.
(5) Ronan Le Velly, Sociologie des systèmes alimentaires alternatifs. Une promesse de différence, Presses des Mines, Paris, 2017.

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13:46 Lu par Arnaud Romain