Avec son allure de baroudeur, ses petites lunettes rondes fines, son catogan et sa barbe de trois jours, Cédric Herrou est devenu un symbole médiatique de la désobéissance civile en faveur des migrants. De figure de héros local, il est passé d'emblème humanitaire jusqu'aux Etats-Unis où le "New York Times" lui a consacré un long portrait en octobre dernier.
Prêt à tout pour venir en aide aux réfugiés qui passaient près de chez lui, à Breil-sur-Roya, au nord-est de Nice (Alpes-Maritimes), en les faisant traverser la frontière franco-italienne, il est poursuivi pour aide à l'entrée, à la circulation et au séjour de personnes en situation irrégulière. Ce mercredi 4 janvier, cet agriculteur de 37 ans doit passer devant le tribunal correctionnel de Nice, le parquet estimant qu'il n'a pas agi à titre humanitaire mais par militantisme.
La justice lui reproche également l'occupation illégale de locaux privés, un bâtiment désaffecté pour colonies de vacances de la SNCF à Saint-Dalmas-de-Tende, dans lesquels Cédric Herrou et son association "Roya citoyenne" avaient mis à l'abri des dizaines de migrants, dont de nombreux mineurs isolés. Convoqué une première fois en novembre dernier devant les tribunaux, le jeune homme avait obtenu le renvoi de son procès.
La médiatisation de son dossier avait poussé le président du Conseil départemental, Eric Ciotti, et le président de la région Paca, Christian Estrosi, à s'inviter dans le débat, et à réclamer la fermeture du camp.


Le justicier de la Roya

Cedric Herrou n'a jamais caché avoir aidé des réfugiés, bloqués à Breil-sur-Roya à cause des nombreux contrôles. La vallée de la Roya, enclave montagneuse entre la France et l'Italie, décor de carte postale, est un véritable piège pour les réfugiés qui s'y perdent facilement et les accidents ne sont pas rares. Ce chemin est devenu l'un des points de passage privilégiés après la fermeture de la frontière à Vintimille, une vingtaine de kilomètres plus au sud côté italien. Cédric Herrou n'a donc pas hésité, aidé par plusieurs habitants, à les faire retraverser la frontière pour les faire revenir sur le territoire français par un autre chemin moins surveillé. 
Cédric Herrou n'a pas hésité non plus à les conduire jusque dans des lieux sûrs pour que les réfugiés puissent se restaurer et se reposer. Le plus souvent, les migrants, des Soudanais, des Erythréens, des Tchadiens pour la plupart, qui ont traversé la Libye et la mer Méditerranée pour arriver en Europe, prenaient ensuite un train pour gagner les grandes villes de France. 
"Quand vous voyez des familles avec des bébés, des mineurs dans les rues, en situation d'hypervulnérabilité face aux réseaux en tous genre, vous faites quoi ? Vous passez votre chemin ?", disait-il à "la Croix" il y a quelques jours.

"J'ai écouté mon cœur"

En août 2016, il s'est fait arrêter une première fois lors d'un contrôle avec huit Erythréens à bord de son véhicule. A l'époque, aucune poursuite n'avait été lancée car la justice avait considéré que son aide était humanitaire puisqu'il ne touchait pas d'argent, contrairement à des passeurs classiques.
Son camarade, Pierre-Alain Mannoni, un enseignant-chercheur de l'université de Nice, que nous avions interrogé, n'a pas bénéficié d'un tel traitement. Le parquet a requis une peine de six mois de prison avec sursis. Il attend désormais son jugement. "Mon geste n'était ni politique, ni militant, il était simplement humain. Ce que j'ai fait était en accord avec mon éducation, avec les valeurs qu'on m'a inculquées. J'ai écouté mon cœur. Des gens avaient besoin de mon aide, je les ai aidés. C'est aussi simple que ça", nous avait-il dit.
Une solidarité visiblement mal comprise par les autorités. En décembre, Eric Ciotti les a désignés comme une "poignée d'activistes", "de passeurs", de "délinquants". Le département, pourtant, a l'obligation de prendre en charge les mineurs, ce qui, selon l'association de Cédric Herrou, n'est jamais entrepris. "Je me suis mis dans l'illégalité, parce que l'Etat ne respecte pas la légalité", estime Cédric Herrou, interrogé par LCI. Ce dernier encourt 5 ans d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende. 
Sarah Diffalah