mercredi 9 novembre 2016

Ce monde qui craque

Source : Regards

Quel que soit l’effet de choc produit par la victoire de Donald Trump, celle-ci est le résultat logique d’une vaste faillite politique dont les politiques libérales et les capitulations de la "gauche" se partagent la responsabilité.


Il faudra prendre le temps d’analyser en détail le scrutin américain, mais d’ores et déjà, la victoire de Trump peut livrer quelques enseignements. Il ne pouvait, il ne devait pas gagner : vulgaire, machiste, raciste, inculte, incompétent, les multiples qualités de Donald Trump ont été soulignées à satiété et elles sont sans doute bien réelles. Pourtant, autour de thématiques simples, lui le milliardaire a réussi à incarner les attentes de couches populaires en déshérence, abandonnées par leurs représentants politiques traditionnels.

Échec des "gauches" réformistes, hégémonie de la droite populiste

Il y a près de quarante ans, les victoires successives de Margaret Thatcher en Grande-Bretagne puis celle de Ronald Reagan avaient ouvert la voie au déferlement des politiques libérales, de dérégulation et de démantèlement de l’État-providence. Après quatre décennies de ces politiques, l’Europe, les États-Unis ont radicalement changé. Les inégalités ont explosé et l’accaparement des richesses par des minorités toujours plus réduites ont précipité des millions d’habitants dans la pauvreté et la rancœur.
En écho à ce tournant libéral des années 1980, à quatre mois d’intervalle, le vote britannique qui a conduit au Brexit et la présidentielle américaine viennent de livrer un verdict similaire, appuyé sur les cohortes des laissés-pour-compte. Dans les deux cas, le camp de la victoire s’est structuré autour d’une droite qui apparaissait largement marginale. Les dérapages verbaux d’un Nigel Farage, le leader du UKIP, n’ont rien à envier aux tombereaux d’insultes que Donald Trump a proférées tout au long de sa campagne contre Hillary Clinton tout comme à l’égard de l’establishment républicain. Pourtant, contre toute attente, ils ont réussi à l’emporter.
Cette hégémonie de la droite populiste – et parfois de la droite extrême – sur les couches populaires ne peut s’expliquer sans les politiques des "gauches" réformistes tout au long de ces quinze dernières années. Clinton, Blair, Schröder ont été des acteurs majeurs de la dérégulation libérale, ils sont largement responsables du démantèlement des acquis sociaux obtenus au cours des Trente glorieuses.

Les ravis de la mondialisation seront balayés

En benêts de la conversion libérale, les socialistes français – sous la houlette de François Hollande et de Manuel Valls – ont voulu mettre leurs pas dans ceux de leurs prédécesseurs britanniques et allemands. Ce quinquennat calamiteux ouvre la voie à une possible victoire, à terme, de l’extrême droite en France. Désormais, l’impensable ne peut être écarté. À rebours de tous les commentaires avisés, raisonnables et respectables : oui, il peut se trouver une majorité pour sortir de l’Union européenne et oui, Donald Trump peut devenir président des États-Unis.
Ce monde craque de toute part. S’échiner à le préserver à tout prix ne peut être que le choix des ravis de la mondialisation qui, un à un, seront balayés. À cette étape, ce sont les courants xénophobes et réactionnaires qui ont, un peu partout, le vent en poupe. La campagne de Sanders lors des primaires américaines ou l’élection et la réélection de Corbyn au sein du Labour traduisent de timides signes de résistance à gauche et le début d’un changement de paradigme. Bien insuffisant.
Donner une perspective à la gauche, au mouvement ouvrier, au peuple ou tout simplement sauver l’espoir sera impossible en restant accolés à celles et ceux qui ne veulent pas rompre avec le système. Cela ne sera certes pas suffisant pour l’émergence de courants progressistes et émancipateurs, mais c’est un préalable, et il est urgent.

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