vendredi 19 août 2016

A Madrid des femmes de ménage disent "basta" à la précarité

Source :  Le Monde

C’est la face cachée du tourisme en Espagne. L’envers du « Sol et playa ». Contrats précaires, heures supplémentaires non payées, baisse des salaires, dégradation des conditions de travail, les femmes de chambre des hôtels ont décidé de dire « basta ». Depuis quelques mois, « Las Kellys » comme elles se font appeler (pour « Las que limpian », celles qui nettoient) multiplient les rassemblements aux portes d’établissements hôteliers pour dénoncer « l’exploitation » dont elles se disent victimes.

Tout a commencé en 2014 par des témoignages sur Internet. Sous couvert d’anonymat, plusieurs femmes de chambre dénoncent les contrats abusifs qu’elles acceptent pour ne pas pointer au chômage, dans un pays où 21 % des actifs sont sans emploi. Peu à peu elles se regroupent, parfois masquées pour ne pas risquer d’être licenciées. Aujourd’hui, leur association compte plus de 500 membres.

Une première victoire

Déçues des syndicats « qui ne les défendent pas assez », les Kellys sont passées à l’action : elles suspendent aux fenêtres des chambres qu’elles nettoient des banderoles pour faire prendre conscience aux touristes de leur situation ou organisent des piquets de grève. En juin, elles ont remporté l’une de leur première bataille judiciaire à Lanzarote, dans les îles Canaries, contre l’entreprise Alterna BPO, à laquelle un hôtel de la chaîne Barcelo avait externalisé les services de nettoyage. Rémunérées beaucoup moins que ce que fixe la convention collective du secteur hôtelier, puisque l’entreprise de nettoyage se définissait comme une entreprise de service, elles ont obtenu réparation.
« Notre travail a toujours été dur, précaire et mal payé, mais depuis la crise et la réforme du travail, je n’avais jamais vu, en vingt et un ans de profession, un tel niveau d’exploitation, affirme Isabel Rodriguez, fondatrice du groupe des Kellys de Barcelone. Les nouvelles femmes de chambre ont perdu tous les droits que nous avions conquis au fil des années : congés payés, libération de certains week-ends, plannings en avance… Aujourd’hui, elles sont souvent à la libre disposition des chefs d’établissement. »
En cause, l’externalisation de plus en plus fréquente des services de nettoyage des hôtels à des entreprises de services qui cassent les prix. « Avec la réforme du travail, les grands hôtels ont licencié à bas coût leur personnel de nettoyage ou de blanchisserie et fait jouer la concurrence d’entreprises externes pour réduire les coûts au détriment du respect des conventions collectives et des droits des travailleurs », résume l’avocat Alex Tisminetsky, du collectif Ronda. Spécialiste en droit du travail, il conseille les Kellys et se bat pour obtenir la reconnaissance de leurs maladies professionnelles (lumbago, sciatiques, etc.) par la sécurité sociale.
« La dernière mode est de nous payer par chambre, pour 1,80 euro. On sait à quelle heure on commence mais pas à quelle heure on finit, ajoute encore Isabel Rodriguez. Pendant ce temps, les chaînes hôtelières font des millions de bénéfices. Mais nous ne sommes pas au tiers-monde ! »

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2016/07/09/a-madrid-les-femmes-de-menage-disent-basta-a-la-precarite_4966821_3234.html#A1kMitSHbkgAv1kb.99

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