mercredi 30 mars 2016

Intermittents : pas de déficit, pas de surcoût.

Pour rappel, une nouvelle convention d’assurance-chômage est en cours de “négociation” et doit être signée pour être effective au 1er juillet 2016. La précédente (2014) avait entrainé un gros mouvement chez les intermittents suite à plusieurs mesures inacceptables et, décision historique, le Conseil d’État avait annulé en 2015 l’agrément de cette convention. Pour éteindre le feu, Valls avait dès 2014 décidé de prendre en charge le différé d’indemnisation des intermittents (nous étions contre) et de mettre en place des tables de concertations (auxquelles nous avons participé). Ces tables ont au moins permis de confirmer définitivement que tout ce que nous disions depuis la crise de 2003 était rigoureusement exact et s’est vérifié dans les faits et les chiffres :
- premièrement, que la réforme de 2003 n’était pas économique mais idéologique, puisqu’elle a coûté beaucoup plus cher tout en précarisant davantage.
- deuxièmement, que nos propositions ne sont pas plus coûteuses et permettent de réintégrer bon nombre d’intermittents en revenant à 507h sur 12 mois pour tous.
Mais ces tables ont aussi permis de constater que la division est une stratégie toujours très efficace. Ainsi il est toujours question de séparer les techniciens des artistes, les intermittents du reste des chômeurs. Et pourtant ! Il est toujours utile de rappeler que les intermittents sont des chômeurs à activité réduite. Et comme le proposent de nombreuses personnalités, il serait grand temps que ce que nous disons depuis 13 ans soit admis : un système de couverture de l’activité réduite doit absolument être généralisé (que cette activité soit artistique, journalistique, ouvrière ou autre). Nous ne cesserons jamais de rappeler que le grand scandale est que seuls 4 chômeurs sur 10 sont indemnisés (et les intermittents n’échappent pas à la règle).
Pour creuser ces divisions, il a été décidé pour la première fois de négocier séparément les annexes 8 et 10 du reste de la convention. Ainsi la négociation générale a commencé le 22 février au MEDEF avec les 5 confédérations de salariés (CGT, CFDT, FO, CGC, CFTC) et les 3 confédérations d’employeurs (MEDEF, UPA, CGPME). La négociation intermittents n’a commencé que le 25 février, avec les fédérations spectacle de ces syndicats (CGT spectacle, etc …) et une fédération regroupant des syndicats d’employeurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel (FESAC).
Je vous passe tous les détails et les problèmes qui nous attendent. Ce qui est sûr, c’est qu’il faudra se mobiliser. Nos propositions, sur la table depuis 13 ans, ne seront pas adoptées si facilement. La campagne d’intox, toujours la même, a déjà commencé. Des arguments tellement faux que nous pourrions attaquer en diffamation tous les pseudo-économistes suivis par des journalistes qui ne vérifient rien ou n’y comprennent rien.
Parmi ces arguments, il y a bien sûr le déficit, et pire celui de la comparaison entre “notre déficit” et celui de l’assurance chômage en général. Pour la milliardième fois, je répète que nous sommes 3,5% de chômeurs indemnisés et que nous percevons 3,4% des indemnités. Autrement dit : un intermittent ne coûte pas plus cher qu’un chômeur. Autrement dit, 110 000 intermittents indemnisés, ça “coûte” 1 milliard (différence entre cotisations versées et indemnisations perçues), mais une moyenne de 100 000 chômeurs indemnisés coûte AUSSI 1 milliard. Autrement dit, agiter ce milliard comme un “scandale” (parce que c’est une grosse somme) est une grosse saloperie.
Pour finir, sachez que ce déficit est une pure construction. En effet, les cotisations versées dépassent toujours largement les indemnisations perçues par les chômeurs. En 2011 par exemple, la différence cotisations-indemnités est de +4,5 milliards. On pourrait penser que le système est donc bien excédentaire. Et bien non : cette année-là, Pôle Emploi et l’Unedic avalent 6 milliards en coût de fonctionnement. Donc on arrive à 1,5 milliard de déficit...
Il fut un temps où l’ANPE était financée par l’état et non par les cotisations. Actuellement, Pôle Emploi avale 10 % des recettes soit plus de 3 milliards par an. C’est aussi délirant que scandaleux. Mais ce déficit sert les arguments du MEDEF et du gouvernement pour systématiquement baisser les droits des chômeurs. La variable humaine sert toujours de variable d’ajustement.
Pour essayer de rétablir quelques vérités, nous avions tourné un Riposte 4 avec Mathieu Grégoire, hélas plus que jamais d’actualité. Regardez-le jusqu’au bout, partagez-le et affûtez vos arguments. Nous avons besoin de vous. Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous.
 
D’après Samuel CHURIN, porte parole de la Coordination Intermittents et Précaires d’Ile-de-France (CIP-IdF).

Riposte 4, avec Samuel Churin et Mathieu Grégoire, Maître de Conférences en sociologie, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense, chercheur à l’IDHES, chercheur associé au Centre d’Études de l’Emploi, auteur de “Les intermittents du spectacle: enjeux d’un siècle de lutte”, La Dispute, Paris, 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=t4W...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire