lundi 29 février 2016

La consoude, trésor du jardin, ennemi des labos

Symphytum officinalis. Boraginacées

consoude-1.jpg 
Après le plantain (n°46 du LEA), nous avons une tendresse toute particulière pour
la consoude. Elle sert à tant de choses, est si peu exigeante et à la bonne idée de
pousser partout ! Originaire d’Europe, la consoude ou Symphytum officinale
pousse naturellement en lisière de forêt, dans les zones humides (fossé, bord de
ruisseau, prairie humide…). Les Grecs de l’Antiquité pensaient que cette plante
pouvait soigner tous les organes blessés. Cette plante est utilisée depuis la nuit
des temps, puisque l’on en a retrouvé la trace dans la nourriture des hommes des
cavernes. Elle est malheureusement tombée en désuétude, mais a connu un
renouveau dans les pays anglo-saxons dès le 19ème siècle. Elle sert depuis
longtemps à nourrir les animaux : chevaux, vaches, cochons, poules
(qui pondent plus et mieux).
La plante peut aussi bien être consommée fraîche que séchée, en fourrage
(elle est riche en protéines, jusqu'à 35 % de la matière sèche). Les romanichels
la cultivaient là où ils passaient : ils « retapaient » avec de la consoude de vieilles
carnes qu'ils achetaient à bas prix, et les revendaient bien plus cher quelques
semaines plus tard !
La consoude va chercher loin ses éléments nutritifs : sa racine, une fois installée,
plonge à 1,5 m et même deux mètres de profondeur ! Aucune plante herbacée ne
va si loin. Une fois installée (au bout de 2 ou 3 ans) elle ne craint plus rien, mais
avant, il faut veiller à ce qu'elle ait un arrosage suffisant, à lui apporter de l'azote,
par exemple sous forme de purin d'orties, et à désherber autour d'elle.
Elle aime les terres profondes, du fait du développement de ses racines.
Elle fait un excellent engrais, riche en potasse, donc très complémentaire
de l'ortie, qui est riche en azote. Lorsqu'on fait des plantations, on peut
prendre quelques feuilles fraîches d'ortie, une ou deux de consoude, les couper en
 morceaux, et les mettre directement au fond du trou de plantation. Reprise
garantie de la plante !

La consoude, l’ennemi à abattre ?
consoude-2.jpgDepuis quelques années la consoude
fait polémique outre-Atlantique. Elle contient des alcaloïdes, principalement
concentrés dans la racine, les graines et les jeunes feuilles.
 Plusieurs études ont été menées mais les résultats sont contradictoires.
 Les défenseurs de la consoude dénoncent les études menées par  l’industrie
pharmaceutique, selon lesquelles la consoude pourrait provoquer une maladie du
foie, appelée maladie veino-occlusive du foie ou syndrome de Budd-Chiari.
Cette maladie cause le rétrécissement des vaisseaux sanguins du foie engendrant
un mauvais fonctionnement hépatique. A la suite de ces études, menées dans les
années 1980, le Canada et les Etats-Unis ont pris des mesures d’interdiction ou de
restrictions quant à l’utilisation de cette plante, provoquant la colère et
l’indignation de nombreux citoyens, herboristes, spécialistes, qui crient au
scandale. Alors qu’en est-il ? Ce qui reste certain, c’est que cette plante est utilisée
par les hommes depuis plus de deux mille ans, tant pour ses propriétés
thérapeutiques que nutritives. Pour l’usage interne (nourriture et soins), il est
préférable de ne consommer que feuilles à maturité (éviter racines et jeunes
pousses), et de se cantonner à la Symphytum officinalis, la consoude sauvage, 
aussi appelée consoude officinale, grande consoude, ou encore herbe aux coupures
Evitez les hybrides du type « Consoude de Russie » ou encore « cultivar Bocking 14 »,
espèces vendues dans les magasins spécialisés, et préférez la consoude sauvage et
locale, que l’on trouve en lisières des forêts, près des ruisseaux et tous les lieux humides.
Au Jardin
Purin de consoude :
Un kilo de plante fraîche pour 10 litres d'eau (de préférence eau de pluie ou de source).
Hacher grossièrement les plantes. La fermentation prend 15 jours à 18°C. Elle peut
être plus longue au printemps, ou plus rapide en été. Ca sent moins mauvais que le
 purin d'orties ! A utiliser dilué de 5 à 30%, sur le sol, pas sur les feuilles. La consoude
s'utilise en particulier pour les plantes donnant fruits ou tubercules. Vous pouvez
ajouter à la macération prêle, absinthe, tanaisie, thym, etc. pour y rajouter des
propriétés insecticides et désinfectantes. N'oublions pas l'ortie, bien sûr, avec
laquelle elle forme un engrais très complet.
La consoude sert aussi à faire de la teinture : avec feuilles et tiges, avec de l'alun
comme mordant, on a du jaune, avec de l'étain du jaune citron, avec du chrome un
orange clair.
Les propriétés médicinales de la consoude viennent de l'allantoïne qu'elle contient, qui
est un activateur de croissance cellulaire très puissant. Pour cet usage, on préfère la
racine, qui en est bien plus riche. Comme on l'a vu précédemment, ne pas abuser
en usage interne, mais il n'y a pas de restriction pour l'usage externe, les alcaloïdes
n'étant pas absorbés par la peau.
La consoude était très utilisée par les nourrices, qui souffraient fréquemment de
crevasses aux seins : elles creusaient un trou dans une racine de consoude, et y
mettaient leur bout de sein.
Les feuilles de consoude cuites, en cataplasmes, sont depuis longtemps utilisées pour
guérir l'eczéma des animaux.

Usage médicinal
Propriétés générales, la consoude est :
Cicatrisante, vulnéraire (guérit les blessures), astringente, émolliente, béchique
(calme la toux), rafraîchissante (calme la soif, diminue la température du corps),
 adoucissante (calme les inflammations), calmante, analgésique, antihémorragique.
L'époque de récolte de la racine est à la fin de l'hiver, les feuilles tout au long de la
période de végétation, pour un séchage plus facile avant la floraison. Comme pour
l'ortie, on peut en faire sécher les parties aériennes pour utiliser la consoude tout au
long de l'année. Pommade de Maria Treben : Couper en petits morceaux 4 à 6 racines
fraîches et lavées. Les faire frire peu de temps dans 250 g de saindoux, laisser
reposer une nuit. Réchauffer le lendemain, filtrer. Mettre dans de petits récipients et
conserver au réfrigérateur. Traite les plaies chez l'homme et l'animal.
Ce qui est le plus actif, c'est la pulpe de racine fraîche, en cataplasme sur
plaies même infectées, brûlures, fractures, ulcères, entorses, etc.
Décoction pour compresses : 200 g de racine dans 1 litre d'eau, faire bouillir ¼ d'heure.
Vu son pouvoir régénérant, la racine de consoude est aussi utilisée pour les soins
cosmétiques.
Cataplasmes :
  • Hacher les feuilles fraîches, puis verser sur celles-ci de l'eau bouillante. Ou 
  • verser de la farine de feuilles de consoude dans  de l'eau bouillante pour obtenir 
  • une pâte épaisse. On enveloppe cette bouillie molle et verte dans de la gaze 
  • (double couche) ou charpie pour l'appliquer en la maintenant avec un bandage 
  • sur la partie à traiter. Ce procédé permet le relâchement de l' allantoïne, tandis 
  • que la stérilisation est assurée. Les cataplasmes doivent être renouvelés toutes 
  • les trois heures à titre indicatif. Appliquer le cataplasme le plus chaud supportable.
  • Pour ne pas avoir à mettre de la gaze, préparer une pâte compacte en mélangeant 
  • moitié-moitié de l'amidon ou une substance amidonnée et de la farine de 
  • feuilles de consoude. Mélanger l'amidon dans de l'eau froide afin d'obtenir 
  • une pâte épaisse. Verser de l'eau bouillante afin d'obtenir une pâte un peu liquide. 
  • Y mixer immédiatement la farine de consoude  afin d'assécher l'ensemble 
  • à une consistance qui adhère à la peau, mais qui peut être enlevée sans laisser de
  •  trace. Appliquée sans gaze, directement sur la peau, cela permet de conserver la 
  • chaleur pendant assez long en étant assez leste.
  • 100 g de racines pelées dans 1/4 l d'eau en décoction 10-15 mn. Aplliquer de 
  • la même façon un minimum de 15 mn toutes les trois heures. La racine contient 
  • deux fois plus d'allantoïne et la Bocking 14 est la plus riche.

Nutrition
En dehors du séchage, vous pouvez aussi congeler la consoude et en faire des
conserves, comme pour l'ortie. En Angleterre, on trouve de la consoude dans les
boutiques de produits naturels, sous plusieurs formes. La consoude peut se cuisiner à
la façon des épinards. On peut aussi utiliser ses grandes feuilles pour faire des
rouleaux de printemps, à la viande ou aux céréales.
Citation d’Hildegarde de Bingen (1) : « Si l’on a un membre cassé ou blessé, ou
couvert d’ulcères, manger de la consoude. Mais la consoude prise sans raison
renvoie la pourriture à l’intérieur : c’est comme si on jette des pierres dans un
grand fossé pour empêcher l’eau de s’en aller, et alors la vase s’insatlle au fond. »
(1)  Hildegarde de Bingen (1098-1179), visionnaire, poétesse et musicienne de tout
premier plan, est considérée comme la première vraie phytothérapeute moderne.

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