dimanche 17 janvier 2016

M. Valls m'accuse de ne rien comprendre "ni à la France, ni à la gauche" : je lui réponds




Source le plus du Nouvel Obs

La séance du gouvernement a ét particulièrement vive mardi 12 janvier

Alors que Noël Mamère venait d'interpeller Manuel Valls sur la question de la déchéance de nationalité, le Premier ministre lui a lancé sèchement : "Monsieur Mamère, vous ne comprenez rien, ni à la France, ni à la gauche". Pris à partie, le député écologiste lui répond dans une tribune.

Monsieur le Premier ministre, je vous ai interpellé mardi dernier lors des questions d’actualité sur votre politique marquée par le cynisme et la triangulation qui a abouti à créer deux catégories de Français, ceux dits "de souche" et ceux dits "de papier" avec la déchéance de nationalité.

J’y ai ajouté qu’on ne pouvait pas comprendre cette mesure sans prendre en compte votre vision sociale libérale et les aventures guerrières de votre gouvernement.

Vous m’avez répondu par ce qui vous est coutumier : la violence de la posture, les attaques ad hominem, les amalgames (le rappel du débat sur l’accident de car et ma position sur la loi Macron, l’accusation d’être proche de signataires d’un appel ayant été cosigné par Tariq Ramadam…).Cette réponse agressive ne vous grandit pas. Elle donne raison à ceux qui considèrent que vous brutalisez le débat politique en l’hystérisant, que vous droitisez à marche forcée le Parti socialiste, que vous entraînez toute la gauche dans les bras du Front national en reprenant ses propositions traditionnelles comme l‘extension de la déchéance de la nationalité pour les terroristes binationaux.

Ce faisant, vous suscitez de plus en plus la colère et l’incompréhension chez nombre d’électeurs et de citoyens se réclamant de la gauche et des écologistes.

Votre politique nous amène vers l’abîme mais vous n’en avez cure. Vous estimez que je ne comprends "rien, ni à la gauche, ni à la France ". Libre à vous de le croire. Mais en ce qui me concerne, la gauche ce n’est pas ceux qui laissent condamner les ouvriers de Goodyear à 9 mois ferme sur appel du parquet, c’est-à-dire avec le soutien de votre gouvernement.

Vous développez le même argumentaire que Sarkozy

Pour moi, la gauche, ce n’est pas votre appel, moins d’un mois après la COP 21, à l’expulsion par la force des paysans et des Zadistes de Notre-Dame-des-Landes.

Pour moi, la gauche, ce n’est pas l’expulsion des camps de Roms, des migrants, avec ou sans papiers, la multiplication sans fin des contrôles au faciès, la primauté de la police sur la justice, l’état d’exception permanent, les cadeaux au patronat par milliards, la précarisation du travail et l’augmentation par centaines de milliers du nombre de chômeurs.

En quoi cette politique se distingue-t-elle de celle de Nicolas Sarkozy ? Vous développez le même imaginaire autoritaire, inégalitaire et discriminant que ce dernier.

Au nom de la sécurité des Français, vous attisez les divisions dans les quartiers. Vous ne les protégez pas. Au contraire, vous mettez la France sous tension en organisant la militarisation durable du pays, en voulant constitutionnaliser l’État d’exception et ainsi renforcer ce que la gauche a toujours refusé depuis 1962 : les pouvoirs spéciaux symbolisés par l’article 16.

En faisant de la surenchère, de l’agitation frénétique, à la fois dangereuse et inefficace, vous instaurez un climat de peur qui alimente la xénophobie, le racisme, l’islamophobie que vous prétendez combattre.

Soyez fidèle à vos engagements et à vos convictions

Mais revenons au débat sur la déchéance.

Est ce que cette mesure va améliorer en quoi que ce soit la protection et la sécurité de nos concitoyens ? En appliquant la déchéance à tel ou tel individu en nombre limité, va-t-on permettre à ceux qui sont exposés aux agressions quotidiennes d’être davantage protégés ? Est-ce une telle disposition qui empêchera les meurtres ?

Ces questions ne viennent pas de moi Monsieur le Premier ministre, c’est François Hollande lui-même, en août 2010, lorsqu’il rétorquait au discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy. C’est vous-même sur RMC, toujours en août 2010, quand vous ajoutiez de façon prémonitoire :

"On rentre dans un débat nauséabond, qui est absurde. La loi doit sanctionner, mais là, c’est encore une fois un jeu politique ( …). Ce n’est pas la France."

Vous aviez raison à l’époque. Vous vous reniez maintenant. Soyez fidèle à vos engagements et à vos convictions, tout comme le reste Christiane Taubira qui, le 7 janvier encore et nous la félicitons, a déclaré :

"La déchéance de nationalité n’est pas souhaitable pour des Français binationaux. L’efficacité est absolument dérisoire."

Une mesure contraire à l’esprit républicain

Monsieur le Premier ministre, votre projet alimente un soupçon pernicieux vis-à-vis de 3,7 millions de binationaux sur notre sol ou expatriés. La souffrance que vous avez engendrée dans les quartiers populaires de nos villes nourrit ce que vous qualifiiez vous-même "d’apartheid" territorial il y a un an, après les attentats de Charlie.

Cette mesure est contraire à l’esprit républicain que vous prétendez défendre, en créant une division entre les Français binationaux et ceux qui ne le sont pas. La mesure créera une brèche dans le droit du sol. Les fascistes religieux s’y engouffreront en disant aux jeunes déjà discriminés : " Vous voyez, la France ne vous aime pas ".

Monsieur le Premier ministre, la République est une et indivisible. Si la France est en danger, ne la divisons pas plus encore. N’insultons pas nos principes fondamentaux. Demain, d’autres qui pourraient arriver au pouvoir utiliseront cette modification constitutionnelle pour remettre en cause le principe même de la binationalité, pour étendre la déchéance à toutes sortes de délits.

Monsieur le Premier ministre, je vous le demande, arrêtez de courir après l’extrême droite. Vous ne faites que renforcer son emprise idéologique sur le pays. Nous avons besoin d’unité et d’apaisement, pas de lois de circonstances qui entretiennent, par exemple, la possibilité pour la police d’utiliser des armes en dehors du service ou celle de perquisitionner sans mandat du juge d’instruction.

Vous avez creusé la tombe de la gauche

Comme la SFIO jadis, vous êtes en train de trahir les valeurs de gauche. Pour sauvegarder la possibilité d’accéder au second tour de l’élection présidentielle, vous êtes prêt à brader toutes les valeurs qui ont fait de notre pays la patrie des droits de l’homme. Vous ne ferez que renforcer la détermination de ceux qui veulent depuis toujours en finir avec la République et la démocratie.

Face à votre politique, qui ne vous distingue plus du bloc libéral autoritaire, face au bloc nationaliste, nous devons organiser le bloc cosmopolite, celui qui refuse le repli de la France dans son pré carré, mais qui n’accepte pas non plus de le livrer pieds et poings liés aux forces du marché.

De ce point de vue, Monsieur le Premier ministre, vous avez une utilité : vous servez de repoussoir à des dizaines de milliers de militants qui, au-delà de leurs différences, de leurs parcours, de leurs chapelles, devront trouver cette année les chemins de l’unité.

Vous avez creusé la tombe de la gauche. Mais le décès n’est pas encore consommé. La gauche rebelle va relever la tête. L’insurrection des consciences contre votre politique néoconservatrice, c’est maintenant !




Sur le web : Passe d'armes entre Manuel Valls et Noël Mamère à l'Assemblée





 

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