jeudi 8 octobre 2015

L'élève professeur privé de titularisation pour excès de convictions

Source : La Dépêche

Professeur d'école stagiaire l'an dernier à Mazicou, Valentin Pion n'a pas été titularisé. On lui reproche entre autres son manque d'éthique pour avoir contesté sa hiérarchie.
Une simple question, posée par mail au délégué du Défenseur des droits. Un réflexe citoyen qu'ailleurs on honore mais qui n'a pas eu l'air de plaire à l'Éducation nationale. Au bout de son année de stage à Mazicou, malgré des rapports favorables de son professeur-tuteur, Valentin Pion, 29 ans, n'a pas été titularisé. Il manquerait entre autres, selon l'académie, d'éthique professionnelle.
Lui s'est étonné, l'année dernière, que l'on puisse en classe demander aux élèves de décliner oralement leur nationalité d'origine. Il s'agissait de connaître ceux qui pourraient être intéressés par des cours de portugais ou d'arabe, un enseignement des langues et cultures d'origine proposé par l'école primaire. La demande émanait de la direction académique du Tarn, via le directeur de l'école de Mazicou, peu réceptif aux principes républicains de son stagiaire. Le délégué du Défenseur des droits en a jugé autrement, estimant légitime le questionnement du jeune enseignant.

«Défendre des valeurs»

En juriste constitutionnel, le délégué a pris sur lui d'interpeller directement Mireille Vincent, directrice académique du Tarn Dasen. La réponse n'a pas tardé. Son adjoint, Farid Djemmal, a convoqué le récalcitrant, l'accusant, selon ce dernier, «d'avoir été déloyal à l'égard de (son) institution».
«Je pensais, en agissant ainsi, défendre les valeurs de l'Éducation nationale» a expliqué l'élève professeur, dans une lettre de recours gracieux à la ministre de l'Éducation Najat Vallaud-Belkacem. Avec copie à la Dasen. Rebelote. Il faut dire qu'avant ça, Valentin Pion, comme d'autres professeurs stagiaires, s'était déjà fait remarquer. Il s'était insurgé contre une formation programmée pendant les vacances scolaires. Pour une génération de professeurs, envoyés faire la classe sans réelle formation, cette session présentée comme «une opportunité offerte par l'Éducation nationale», avait de quoi faire grincer. Comme pour n'importe quel salarié à qui un employeur imposerait une formation pendant ses jours de repos.

«Susceptibilité»

Titulaire d'un master 2 de philosophie, qu'il a enseignée pendant trois ans à des terminales en zone d'éducation prioritaire, à Créteil puis à Toulouse, Valentin Pion ne semble pas être homme à renoncer à ses convictions. Ni à les ravaler, ce qui semble être la source de nombre de ses ennuis avec sa hiérarchie.
En fin d'année scolaire , il a eu la surprise de voir arriver dans sa classe l'inspectrice de l'Éducation nationale, IEN de son secteur, pour 30 minutes d'évaluation définitive. Et là, patatras. Contrairement aux conclusions très favorables, après trois matinées d'observation en classe, du tuteur de stage chargé de cours à l'ESP, l'IEN expéditive a rendu un rapport négatif. Et en mai, alors que le professeur stagiaire avait reçu avis de titularisation sur le poste de son choix, le rapport défavorable de l'IEN a tranché. Passage obligatoire devant le jury académique, non-titularisation et retour à la case stagiaire.
Aujourd'hui bien qu'un peu abattu, le jeune enseignant originaire de Seine-et-Marne, qui a choisi l'école en pensant «que c'est là qu'on peut faire quelque chose pour les enfants» et le Tarn «pour étirer le temps», a décidé de se battre.
«Avec une mère professeure en lycée professionnel et une sœur qui travaille pour la protection judiciaire de la jeunesse, le sens du service public, c'est familial» confie-t-il.
Interrogée sur son cas, Mireille Vincent se retranche derrière l'avis du jury académique. «Comment pouvez-vous imaginer qu'une titularisation puisse se faire sur une question de susceptibilité ?» se défend-elle.
Toute la question est là.
Martine Lecaudey

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