vendredi 17 juillet 2015

Zoe Konstantopoulou mène la fronde anti-austérité

Le temps.ch

«Ce parlement ne doit pas accepter le chantage des créanciers.» L’appel à voter contre le texte présenté mercredi au parlement grec est clair. Il vient de Zoe Konstantopoulou, la présidente de la Vouli, bien qu’elle ait précisé s’exprimer en qualité de députée du parti au pouvoir. «Ayant pleinement conscience des circonstances décisives […], je pense que le devoir du parlement est de ne pas laisser le chantage se concrétiser.»
A 38 ans, la plus jeune présidente de l’Assemblée et deuxième femme seulement à exercer cette fonction est-elle en train de prendre la tête d’une fronde au sein du groupe parlementaire et de Syriza contre le premier ministre? Elle met, en tout cas, le doigt sur les contradictions que le parti au pouvoir doit gérer depuis qu’Alexis Tsipras est rentré de Bruxelles lundi avec un accord ouvrant la voie aux négociations. Texte auquel le premier ministre lui-même «ne croit pas», comme il l’a souligné lors de son entretien télévisé mardi sur ERT, mais qu’il «a signé pour éviter le désastre au pays». Banques fermées, crédits et liquidités quasiment coupés, la Grèce risquait un effondrement de son système bancaire ainsi qu’une dégradation de son économie. Cette justification ne suffit pas à atténuer la gronde au sein de Syriza et du gouvernement.
Syriza rejette
L’accord de Bruxelles est perçu comme un odieux chantage que Syriza ne peut accepter. D’emblée, plusieurs voix s’étaient élevées pour dénoncer le texte. La pression est montée d’un cran hier: 109 des 211 membres du comité central ont déclaré le texte non conforme aux engagements du parti.
«Comment voter cet accord? Il implique une baisse terrible des retraites et des salaires, accepte les privatisations et organise la mainmise de la bourgeoisie sur la richesse du peuple», résume Ioanna Gaitani, députée du courant trotskiste de Syriza. Au sein du groupe parlementaire, la fronde est patente. Une trentaine de députés au moins devraient ne pas approuver les projets de loi soumis, transcrivant les propositions rédigées à Bruxelles. Yanis Varoufakis, le ministre des Finances démissionnaire redevenu député, a même publié sur son blog avant le vote la déclaration bruxelloise annotée de rouge – comme le FMI l’avait fait pour la proposition de la Grèce remise le 22 juin. Selon ses commentaires, la Grèce est de nouveau soumise à la «troïka», c’est-à-dire à ses créanciers que sont l’UE, la Banque centrale européenne (BCE) et le FMI; elle est privée de souveraineté et doit réitérer les politiques appliquées depuis 2010, accentuant la récession et l’effondrement économique et social du pays.
Le dilemme a la forme de cas de conscience. Pour la députée Sia Anagnostopoulou, «nous ne pouvons pas conduire le peuple au suicide. Le gouvernement allemand n’a aucun scrupule à mettre le peuple à genoux. Les créanciers sont capables d’écraser la Grèce en une journée. Face à ce chantage, tu meurs soit tout de suite, soit petit à petit.» Elle espère que ni le gouvernement ni Syriza ne sombrent dans une lutte fratricide. En réalité, les deux points d’achoppement majeurs au sein du parti renvoient à la question de la dette, qui sert d’argument pour imposer les mesures d’austérité, et à celle de la sortie de l’euro. Une «chimère», selon le ministre Nikos Pappas, mais que toujours plus de membres de Syriza et de Grecs souhaitent, épuisés par l’austérité.
Cette division se retrouve aussi au sein de la coalition. Dans les couloirs de la Vouli, un ministre rétorque vertement à la question d’un journaliste sur son départ du gouvernement: «Non, je ne démissionne pas. Mais je vais être démissionné.» La ministre déléguée aux Finances, Nadia Valavani, a annoncé dans une lettre à Alexis Tsipras qu’il «est impossible de continuer d’appartenir au gouvernement». D’insistantes rumeurs prédisent un remaniement dès ce jeudi. La fronde de Syriza n’est finalement que l’expression d’une crise grecque loin d’être achevée, qui s’attaque à tous les piliers de la société, économique, social, politique et même démocratique. Reste à savoir si Alexis Tsipras pourra y résister.

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