lundi 29 juin 2015

Pouvoir d'achat : le blues des classes moyennes

Source : Les Echos

 

L’ARGENT DES FRANÇAIS - Fait rare, le revenu disponible médian a baissé depuis 2008 en France. Et les prix de l’immobilier ainsi que ceux de l’eau, des transports ou des communications ont grimpé en flèche.

C’est toute l'ambiguïté des statistiques. Sur le papier, le pouvoir d’achat des Français n’a pas baissé depuis la crise. Depuis 2007, il a augmenté d’un maigre 1 % environ. Cela tient au fait que les salaires ont continué à croître au cours des sept dernières années malgré l’explosion du chômage , que l’inflation est restée faible sur la période et que les prestations sociales ont joué leur rôle d’amortisseur, de « stabilisateurs automatiques », comme disent les économistes. «  C’est une des caractéristiques de l’économie française d’avoir des évolutions de revenus lissées en période de crise par rapport aux Britanniques ou aux Américains », explique Jérôme Accardo, chef du département des conditions de vie des ménages à l’Insee.
Seulement voilà, comme l’explique cet expert, « quand on leur dit que le pouvoir d’achat s’est maintenu, les gens n’y croient pas ». Et ils ont quelques raisons de ne pas y croire.
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D’abord parce que la moyenne ne correspond pas à la réalité vécue par les Français. En effet, quand on s’intéresse au salaire médian – celui qui partage la population en deux groupes égaux en nombre, ceux qui gagnent plus et ceux qui gagnent moins –, celui-ci a baissé de 50 euros entre 2009 et 2012 et se situait cette année-là à 1.730 euros net mensuels.
Facteur aggravant, ce chiffre ne tient pas compte des impôts. Or, si, dans un premier temps, pour répondre à la crise, les gouvernements ont laissé filer les déficits, à partir de 2011, ils ont mis à contribution les ménages. Résultat, selon les calculs de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), entre  2011 et 2013, « la hausse des prélèvements fiscaux et sociaux a amputé le pouvoir d’achat de 930 euros par ménage, soit plus de 300 euros en moyenne par an ». Ainsi, depuis 2008, le niveau de vie médian a baissé de 350 euros et s’élevait en 2012 à 19.740 euros par an pour une personne seule.

Les plus pauvres ont beaucoup plus souffert

Ensuite, si depuis la faillite de Lehman Brothers, véritable point de départ de ce que les Américains appellent désormais la « Grande Récession » (par analogie avec la « Grande Dépression » des années 1930), le pouvoir d’achat résiste, cela n’est pas valable pour tous les Français. Les plus pauvres ont beaucoup plus souffert que les plus aisés. Enfin, il faut rappeler qu’entre 1998 et 2002, années de fortes croissance, le pouvoir d’achat des Français progressait de plus de 2 % par an. La stagnation des dernières années n’en est donc que plus durement ressentie.
Mais il existe une explication plus profonde justifiant la différence entre le ressenti des Français et la statistique économique. « Il existe un lien entre la hausse des prix de l’immobilier, et plus généralement celle des dépenses contraintes – c’est-à-dire le logement, l’eau, l’électricité, les communications… – et les difficultés des Français », estime ainsi Régis Bigot, directeur général du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc). Selon les chiffres de l’Insee, les dépenses préengagées représentent 29,3 % du revenu disponible des ménages, soit 3 points de plus qu’en 2002. «  Depuis 1997, le prix de l’immobilier a été multiplié par 2,5. Tant que les revenus augmentaient, cela ne posait pas de problème, mais comme, depuis 2002, la progression du pouvoir d’achat s’est infléchie, les Français ressentent plus durement la hausse du coût du logement », poursuit Régis Bigot.

Dépression prolongée

Pour les ménages les plus pauvres, les dépenses de logement représentent désormais la moitié de leur budget chaque mois, contre 20 % à 25 % pour les plus aisés et plus d’un tiers pour les classes moyennes. « C’est ce qui explique que les classes moyennes se retrouvent désormais confrontées à des contraintes semblables à celles des pauvres. Elles se retrouvent à devoir arbitrer entre les vacances, les loisirs comme le cinéma ou le restaurant, en raison du poids démesuré qu’a pris le logement dans leurs dépenses. Il s’agit de contraintes qu’elles ne connaissaient pas auparavant », selon Régis Bigot.
Le pic du moral des ménages calculé chaque mois par l’Insee a été enregistré en 2002. Depuis, les Français semblent être entrés en dépression prolongée, contrairement à nos voisins qui, eux, avaient connu leur point haut en 2006-2007. Pourtant, l’Hexagone et les revenus des Français ont plutôt mieux résisté à la crise qu’en Grande-Bretagne, en Italie ou en Espagne.
Décidément, la meilleure façon de faire gagner du pouvoir d’achat sans détériorer la compétitivité est plus que jamais d’agir sur les prix du logement.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/021149689644-pouvoir-dachat-le-grand-blues-des-classes-moyennes-1130948.php?f8m7PkQ6H2WOpCsQ.99#xtor=CS1-26

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