mercredi 22 avril 2015

Athènes envoie un coup de semonce aux grosses fortunes soupçonnées d’évasion fiscale

Le Monde.fr

Le premier ministre grec Alexis Tsipras à Athènes, le 21 avril.
C’est une véritable tempête que soulève en Grèce l’arrestation surprise, mercredi 22 avril au matin, de Léonidas Bobolas, fils de Georges Bobolas, l’un des principaux oligarques grecs. Accusé d’avoir fait sortir 4 millions d’euros du pays – ce qu’il contesterait –, l’homme d’affaires a été conduit au tribunal d’Athènes en procédure de flagrant délit. Après quelques heures, il a finalement accepté de verser les 1,8 milions d'impôts réclamés par la justice - ce qu'il avait selon des sources judiciaires refusé de faire hier de son plein gré- et a donc été libéré.
Son nom et celui de son frère Fotis Bobolas apparaissent sur la liste Lagarde, que Christine Lagarde, alors ministre française des finances, avait remise en 2010 à son homologue grec de l’époque, Georges Papaconstantinou, contenant les noms de centaines de résidents grecs ayant transféré des fonds en Suisse, sur des comptes de la banque HSBC.
Selon les premières informations, c’est dans le cadre de l’enquête sur cette liste, mais aussi sur d’autres listes de mouvements suspects de capitaux vers l’étranger, qu’une procédure pénale pour délit de violation des règles fiscales a été ouverte hier soir. Un mandat a été délivré aux forces de la police économique, conduisant à l’arrestation de ce matin. Une fois M. Bobolas entendu par la justice, l'action devrait logiquement s'éteindre puisque il a payé l'ensemble du montant réclamé.

Offensive inédite

C’est la première fois en Grèce qu’un membre de l’une de ces quelque 50 grandes familles qui dirigent les entreprises les plus puissantes du pays est inquiété. Le premier ministre Alexis Tsipras en avait d’ailleurs fait l’un des thèmes centraux de sa campagne électorale, promettant de « s’attaquer aux oligarques » et notamment « les magnats qui contrôlent les médias et pervertissent le débat politique ».
La famille Bobolas est à la tête d’un empire de construction, mais possède en effet aussi des parts importantes dans le quotidien Ethnos et surtout dans la principale chaîne de télévision privée du pays, Méga, ennemie déclarée d’Alexis Tsipras lorsque celui était encore dans l’opposition avant de gagner avec son parti Syriza les élections du 25 janvier. Cette offensive inédite est plutôt bien accueillie par la population grecque, mais devrait aussi plaire à Bruxelles et au FMI, qui accusent depuis cinq ans ces « 50 familles » de bloquer les réformes.
Engagé dans de difficiles négociations avec ses créanciers, le gouvernement entend donner ainsi les gages de sa volonté à s’attaquer véritablement à la fraude et l’évasion fiscale. Et faire entrer au passage quelques millions d'euros d'argent frais alors que les caisses de l'état sont toujours au plus bas. Après avoir annoncé ce matin qu'il manquait toujours 400 millions d'euros pour payer les salaires et les retraites le 27 avril prochain, le gouvernement a finalement précisé en début d'après midi que la somme avait été trouvée. Les caisses sociales auraient volontairement prêté la somme à l'état.

Espace de gratuité au marché Job à Toulouse

  le vide grenier où tout est gratuit, dimanche 26 avril
 
L'Espace de gratuité au marché Job est soutenu par Toulouse Métropole et organisé par Silicon Deniers, le dimanche 26 avril de 9h à 13h au marché des 7 deniers.

Un espace de gratuité c'est quoi?

Ce n'est pas un vide grenier car il n'y a rien à acheter.
Ce n'est pas un troc car il n'y a pas d'échange.
C'est un espace où vous pouvez déposer ce dont vous n'avez plus besoin (à condition que ce soit propre et réutilisable).
Vous pouvez prendre ce que vous voulez… ...même si vous n'avez rien déposé !

Les organisateurs

Silicon Deniers est un groupe d'ingéniosité collective qui s'est constitué en 2013 au cœur du quartier des Sept Deniers à Toulouse. Silicon Deniers réunit des femmes et des hommes qui recherchent une cohérence entre leur propre vie et leurs valeurs. Ils expérimentent, testent, construisent, inventent, innovent, se donnent le droit d'échouer et de recommencer…ensemble ! Silicon Deniers initie le bouillonnement d'idées et le soutien aux porteurs de projets collaboratifs ou entrepreneuriaux. Silicon Deniers génère des activités locales, non-délocalisables et tisse des liens sociaux entre les habitants, les entreprises et les associations locales.

Espace de gratuité au marché Job
Dimanche 26 avril de 9h à 13h
Marché des 7 Deniers - Place Job 105 route de Blagnac à Toulouse

Infos pratiques


Possibilité de déposer vos objets avant le 26 avril en nous contactant :
silicondeniers@gmail.com ou facebook.com/SiliconDeniers ou 07.82.035.822

En Catalogne, une colonie éco-industrielle invente une façon de vivre libérée du profit



 

Construire un analyseur d’eau, des systèmes d’éclairage écolos, brasser de la bière ou créer un réseau de téléphone alternatif... Voilà à quoi s’affairent une vingtaine de Géo Trouvetou installés dans une usine délabrée transformée en communauté rurale libertaire et high-tech. Cette « colonie éco-industrielle post-capitaliste » invente des façons de vivre et de produire libérées de la logique du profit.

- Calafou (Espagne), reportage
Pour accéder au fond de la vallée, le véhicule doit naviguer entre les bosses d’un chemin de terre mal entretenu. A l’arrivée, on est acccueilli par une barrière levée et rouillée qui semble bloquée dans cette position depuis des décennies. Sur le muret d’enceinte, on peut lire en lettres vertes et noires sur fond blanc : « Calafou, colonie éco-industrielle post-capitaliste ».
De prime abord, le post-capitalisme n’a rien de séduisant. Des murs grisâtres défraîchis par le temps, des embrasures de portes sans portes, des carreaux brisés qui laissent passer le vent frais de février. Certains bâtiments donnent l’impression d’avoir été abandonnés avant même d’avoir été finis. Derrière l’un d’eux, une cheminée industrielle pointe encore son nez vers le ciel mais cela fait longtemps qu’aucune fumée n’en est sortie.


Adossée au bâtiment principal, une petite église investie par la végétation sert de débarras. Sans la présence de voitures et de caravanes, on pourrait penser que Calafou fait partie de la centaine de colonies industrielles désaffectées qui pourrissent près des rivières catalanes, vestige du passé industriel de la région.

 

Souveraineté technologique

« Au siècle dernier, plusieurs dizaines de familles vivaient ici et produisaient du papier, du textile ou plus récemment des plaques de métal », me raconte Pablo, un doctorant en biologie, en s’appuyant sur les souvenirs de l’ancien propriétaire et les quelques archives dénichées dans les sous-sols de Calafou. Abandonnée depuis l’incendie d’un des bâtiments au milieu des années 2000, cette friche industrielle située à 60km à l’ouest de Barcelone a été rachetée il y a quatre ans par une bande de néo-ruraux pas comme les autres.
Didac, un des initiateurs du projet explique qu’ici « l’objectif n’est pas tant d’arriver à l’autosuffisance alimentaire qu’à la souveraineté technologique ». Pour ce sociologue qui a vécu plus d’un an sur place, Calafou s’inscrit dans une logique de réappropriation de la technique et des outils qu’il refuse de laisser « entre les mains des entreprises capitalistes internationales ».
En quatre ans, de nombreux travaux ont été effectués. Mais malgré les efforts des habitants, les 28 000 m² de hangars offrent encore un paysage que Didac qualifie de « post-apocalyptique ». Et c’est précisément ce qui a attiré Maxigas, doctorant en production collaborative.


Installé devant un écran traversé par des lignes d’écriture verte qui semblent venir directement de la planète Mars, une tasse de maté fumante à la main, il m’explique les raisons de sa présence ici : « Vu que la société est une ruine, j’aurais l’impression de me mentir à moi-même si j’habitais dans un appartement propret aux finitions parfaites. J’aime les ruines et les univers chaotiques, ils m’ont l’air plus réels ».

Biologie, porno et bricolage

Ulyses, un trentenaire au sourire ineffaçable se charge de faire visiter les lieux aux cinq personnes arrivées ces derniers jours. On découvre que derrière ces mastodontes de béton se cache une Silicon Valley rurale et anti-capitaliste.
Le long d’un grand hangar à ciel ouvert, quelques portes donnent sur des ateliers abrités par la seule partie du toit épargnée par les flammes. Derrière l’une d’elles, on trouve un laboratoire de biologie où Pablo analyse notamment l’eau et la terre des environs qu’il soupçonne d’avoir été souillées par les rejets industriels des dernières décennies.


Sur la table et les étagères de ce minuscule local, quelques instruments d’analyse et de stérilisation traînent aux côtés d’un cendrier et d’une pile de bouquins. Mais faute de moyens, l’équipement du labo est minimaliste. Heureusement, ses utilisateurs ne manquent pas de créativité :
« On a construit notre propre incubateur avec un appareil photo, des lumières et du wifi. Grâce à ça, on peut voir les bactéries en train de se développer à distance », raconte-t-il avec fierté en ouvrant le vieux frigo dans lequel leur création est conservée.
Quelques portes plus loin, des inscriptions à la bombe nous indiquent l’entrée du Penchblenda, un « trans-hack feminism lab ». Dans ce cabinet des curiosités à peine plus grand qu’un studio d’étudiant, chaque centimètre carré est utilisé pour stocker une des inventions de Pin, une des taulières du lieu.


Cette autodidacte aux cheveux roses et rebelles nous fait visiter son antre avec un enthousiasme communicatif. A côté d’un détecteur gérant le remplissage d’une cuve à eau, d’une dynamo artisanale, d’un projet de LEDs, de piezo-électricité et d’un microscope fabriqué avec une caméra USB, elle nous montre des godemichés moulés sur place dans une matière caoutchouteuse innovante, des instruments de musique corporels, des outils pour faire soi-même son diagnostic gynécologique et des photos de « post-porn ».
Une cohabitation surprenante d’objets et de concepts qui répond pourtant d’une même volonté : reprendre la main aussi bien sur son corps que sur son environnement. Transformer et bidouiller tout ce qui a été standardisé et par le capitalisme et « l’hétéro-patriarcat ».

Pirates des temps modernes

A l’étage inférieur, je pénètre via une porte branlante dans un des lieux phares de la colonie : le Hackafou. Sous le regard rieur de Jolly Roger, le drapeau pirate qui flotte au milieu de la salle, des hackers s’affairent.
Pendant que la coque d’un analyseur d’eau sort couche par couche d’une imprimante 3D, un homme installe Linux sur un ordinateur pendant qu’un autre s’amuse à pirater mon appareil photo. C’est à ce moment que Pin surgit et repart avec sous le bras une pile de vieux ordinateurs portables qu’elle entend ressusciter.
Dans ce repère où cohabitent des petits génies, du matériel high-tech, un poêle à bois antédiluvien et des revendications politiques, plusieurs équipes ont travaillé sur le développement d’outils destinés aux mouvements sociaux comme un réseau social alternatif ou un réseau téléphonique gratuit et sécurisé.


Mais c’est le Bitcoin, une monnaie virtuelle cryptée, qui a apporté une renommée internationale à Calafou, au grand dam des habitants actuels. Amir Taaki, surnommé le « Guru du bitcoin » a séjourné plusieurs mois à la colonie avec son équipe, attirant des journalistes laissant entendre dans leurs articles que Calafou était le QG du Bitcoin.
Cette publicité indésirable ramène encore aujourd’hui des curieux du monde entier en quête d’informations sur cette la fameuse monnaie qui prend de l’ampleur hors de tout contrôle étatique. Sauf que les occupants acceptent difficilement d’être associés à cette monnaie « anarcho capitaliste » et ils sont nombreux à la colonie à garder un souvenir amer du Guru et de son équipe.
Peuplée de punks, de technophiles, de féministes radicales et de bricoleurs, Calafou n’a rien d’une communauté de hippies. « On ne ressemble pas aux communautés néo-rurales classiques qui font pousser des légumes. Moi je voulais vivre à la campagne et faire des choses liées à la science et à la technologie », raconte Pablo.


Dans cette atmosphère technophile fleurissent néanmoins des projets divers. Près du bâtiment principal, dans une salle carrelée, trois personnes surveillent un thermomètre plongé dans une cuve. De là sortira la Rosa de Foc (Rose de feu, surnom de Barcelone), la bière artisanale dont ils produisent 800 litres par mois.
Ulyses explique qu’à Calafou on trouve également un mini cirque, une fabrique de savon, un projet de numérisation de livres, un centre social, un jardin... La colonie compte aussi un énorme atelier équipé d’une dizaine de machines dédiées au travail du bois. Ces outils sont collectivisés et n’importe qui peut les utiliser gratuitement à condition de reverser une part à Calafou en cas de profit.

Une économie alternative

Certains projets comme le centre social ou le laboratoire de biologie sont dits collectifs et à ce titre bénéficient du soutien de la Colonie et de locaux gratuits. Les autres, comme la brasserie ou la fabrique de savon, sont dits autonomes. Ceux-ci louent l’espace utilisé à raison d’1€ par mois et par m² et doivent reverser une partie de leurs bénéfices à la communauté.
Généralement, les projets autonomes versent 1/3 des recettes à ceux qui y participent, 1/3 pour consolider le projet et 1/3 pour la colonie. Pour le moment l’équilibre financier est fragile et la Colonie a bouclé l’année dernière avec difficulté. « Mais ça va mieux. Cette année, on va mettre le paquet », assure Pablo.
Et puis, en cas de problème, ils ne sont pas seuls. Calafou est un des projets autonomes de la Coopérative intégrale catalane (CIC), un mastodonte de l’alternative doté d’un budget d’un demi million d’euros issu de « l’insoumission fiscale », en clair, de l’évasion fiscale à des fins sociales. Avec cet argent, ils développent des outils juridiques, techniques et économiques afin de faciliter la construction d’alternatives dans le domaine de la santé, de l’éducation ou encore du logement. On trouve à Calafou un bon exemple de ce que permettent les outils crées par la commission logement de la CIC.
Au fond du terrain, caché entre un flanc de montagne et l’énorme hangar au toit carbonisé, se trouve la coopérative de logement social, une des sources principales de rentrées d’argent de Calafou. Le bâtiment compte 27 appartements et près d’une vingtaine sont pour l’instant occupés. Les habitants peuvent payer un loyer de 175 € à la coopérative ou acheter le droit d’usage de l’appartement pour 16 800 €.


C’est ce qu’a choisi de faire Karioka. Il peut en jouir à vie et récupérer sa mise en cas de départ, mais les murs continuent d’appartenir à la coopérative. Il ne peut donc pas revendre son logement. « L’avantage du droit d’usage est qu’on ne peut pas spéculer sur l’immobilier », explique ce grand gaillard avec sa voix puissante et un cheveu sur la langue.
C’est notamment cet argent qui a permis d’acheter la colonie vendue 400 000€ par son propriétaire. Près de la moitié a déjà été remboursée et ils entendent se libérer de la dette en moins de dix ans. Les habitants qui ne peuvent ou ne veulent pas payer pour un appartement personnel résident dans la « maison rouge », bâtiment en brique composé de dortoirs où logent également les invités.

Vers le post-capitalisme

En cette fin février, la colonie ne déborde pas d’activité et on se demande si les vingt-cinq personnes qui y vivent actuellement ne sont pas entrées en hibernation. Rox explique que le climat n’y est pas pour rien. « L’hiver a été très froid et sans la structure pour affronter ce froid, c’est dur d’être productif. En été, quand on peut faire des choses sans avoir cinq épaisseurs de vêtements sur soi, ça change la donne », raconte cette Italienne dont les mèches bleues dépassent de ses deux capuches.
Mais ce n’est pas la seule raison. « Beaucoup d’activités ici ne sont pas visibles. Le lieu est très grand donc personne ne te voit travailler », continue-t-elle. En effet, chaque jour passé sur place, j’ai découvert au moins une nouvelle pièce dans ce dédale industriel...

*Suite de l'article sur reporterre


Festival d'éducation populaire à Toulouse



Regional festival le vent se leve a job afficheLe festival toulousain d'éducation populaire politique est 
de retour pour une nouvelle édition à l’espace JOB. Co-construit par le collectif Job (12 associations), 
la SCOP du vent debout, des citoyens et acteurs de la vie associative ou militante, le festival est un espace 
de réflexion et d’expression citoyenne.
Comment agir sur les rapports sociaux de domination ? Comment les mettre en lumière pour mieux en 
sortir ? Sortir des dominations, c'est d'abord réaliser qu'individuellement, on est toutes et tous des 
dominants dans certaines relations (Homme/Femme, rapport aux savoirs, rapport
de classes, Nord/Sud, etc.) et également des dominés dans d'autres situations
(salarié /employeur, femme/homme, enfants/adultes, etc.). 
Au niveau de la société, ces dominations génèrent des inégalités économiques, sociales, culturelles, etc. 
Alors, comme on pense que ce serait bien de tenter de sortir de ce système, nous avons choisi cette année 
de penser le festival sous l'angle des rapports sociaux de domination (classe, race, sociale, sexe, âge, valide, 
etc.). Bien souvent, ces rapports sociaux sont « invisibilisés » (et du coup intériorisés par les individus). 
Et au lieu que chacun les remette en cause, on les perpétue, notamment parce que, la plupart 
du temps, ils ne sont pas conscients et donc pas mis en lumière ni analysés. Chaque individu conserve 
l'influence de ses origines, qu'elles soient économiques, culturelles, symboliques ou sociales. 
Et comme le travail d'éducation populaire, c'est de tenter de s'émanciper individuellement et collectivement 
de ces dominations, et bien, on vous propose une semaine pour nous nourrir et prendre conscience 
 collectivement afin d'imaginer des possibles pour sortir de ces dominations... et donc transformer nos 
pratiques !
Voilà des questions qui nous travailleront durant cette semaine de débats, d’échanges et de construction 
collective.
Des conférences gesticulées, des projections et des spectacles, pour découvrir, s’initier, apprendre, mais 
aussi des ateliers, des débats, des stages pour décortiquer, échanger et s’armer ensemble, vers le 
Méga-atelier du dimanche après midi : Et maintenant, concrètement, comment utilisons nous ce savoir commun pour le mettre en action ?
Tout ceci joyeusement accompagné de musiques, de petit plats maison locaux, de boissons douces et 
amers tout au long de la semaine.
Et c’est aussi un programme pour les enfants le mercredi et le samedi après midi !
Rendez-vous du 18 au 24 mai 2015, dans une ambiance toujours festive et musicale, et créons 
ensemble du pouvoir d’agir citoyen et politique !

Programme complet sur le site du collectif : http://collectif-job.com


En savoir plus sur http://www.lelotenaction.org/pages/content/archives/festival-d-education-populaire-a-toulouse.html#p5tM3FUwKeMIbLe1.99

Grèce: Syriza défend ses trois premiers mois au pouvoir

Médiapart - 17 AVRIL 2015
PAR AMÉLIE POINSSOT 



Qu'a pu faire en trois mois de pouvoir le gouvernement d'Alexis Tsipras? Si les débats font rage au sein de Syriza, si les pressions des Européens et de la Troïka n'ont pas cessé, si l'Allemagne souffle le chaud et le froid, le nouveau pouvoir grec réussit tout de même à avancer pas à pas. Ministres et députés expliquent cet apprentissage du pouvoir, comment ils tentent d'appliquer leur programme de gauche, sans céder sur l'essentiel.

De notre envoyée spéciale à Athènes.- Il y a eu l'euphorie, les premiers jours. La gauche radicale, pour la première fois, parvenait au pouvoir. Enfin, on allait pouvoir renverser la table, mettre fin à l'austérité, balayer l'ancienne classe dirigeante. Le gouvernement formé par Alexis Tsipras à l'issue des élections du 25 janvier ne comptait, à une petite exception près, que des nouvelles têtes n'ayant jamais gouverné. Une classe politique toute neuve s'installait aux manettes de l'exécutif, des gens au mode de vie modeste, des hommes sans cravate, des personnes que l'on croisait, pour certaines, dans les manifestations encore quelques mois plus tôt…
La partie s'est corsée très vite. L'agenda européen s'est imposé et, avec lui, les difficiles négociations avec les partenaires du pays. Le 20 février, un accord est signé afin de poursuivre le versement des prêts octroyés à la Grèce depuis 2012 en échange de son engagement à appliquer certaines réformes, accord qui renvoyait à la fin juin la question de la négociation plus large que demande Syriza sur la restructuration de la dette du pays. Cet accord – qui n'a pas fini d'être discuté car la liste des réformes fait depuis l'objet d'incessants allers-retours entre Athènes et Bruxelles – est une première entorse à l'unité affichée jusque-là par Syriza.
Car en interne, ce texte signé avec les Européens fait toujours des vagues. Certes, il met fin à la Troïka, mais dans les faits, les trois institutions commission européenne-BCE-FMI sont toujours là : on parle désormais de « groupe de Bruxelles ». Certes, on trouve dans la liste des réformes des éléments de politique sociale et des mesures de relance, mais l'on ne revient pas intégralement sur toutes les mesures d'austérité comme le promettait le programme électoral de Syriza.
Lorsque l'accord du 20 février est présenté devant le comité central de Syriza, le désaveu est magistral : 45 % votent contre… tandis que plusieurs absences se font remarquer et que d'autres votent blanc. « Le non aurait été encore plus important si tout le monde avait voté », estime un membre du comité central présent ce jour-là. Syriza, formé à l'origine par une coalition de partis, a toujours connu une pluralité interne. Le courant de la « Plateforme de gauche », notamment, exprime une vision plus radicale que celle de la ligne majoritaire et prône la sortie de la zone euro. Même si cette thèse avait été mise en sourdine pendant la campagne électorale, elle pesait environ 30 % des voix au sein du comité central.
Cette fois-ci, les clivages dépassent les divergences traditionnelles au sein du parti. Un troisième courant émerge, issu de la ligne majoritaire, formé par d'anciens de l'« Organisation communiste de Grèce » : il présente une liste dissidente lors de l'élection du nouveau bureau politique. Et d'autres commencent, individuellement, à prendre leurs distances par rapport à la « ligne Tsipras »...
Déjà, l'élection du président de la République, dans la foulée de la prise du pouvoir, avait électrisé le groupe parlementaire de Syriza. Lors d'une première consultation interne, une trentaine de députés avaient refusé d'apporter leur voix au candidat choisi par Tsipras, un homme de droite modérée dont il a divulgué le nom à la presse avant même de l'annoncer à ses propres troupes. En Grèce, le rôle du président est essentiellement honorifique, et le parti au pouvoir a pour habitude de désigner à ce poste une personnalité consensuelle, afin de recueillir les voix de l'opposition.
La députée Sia Anagnostopoulou a fait partie de ces députés protestataires : « J'ai voté contre cettecandidature en réunion de notre groupe parlementairecar je voulais une personnalité de gauche, ou du moins de centre gauche, ou encore quelqu'un au-dessus des partis. Mais j'ai finalement voté pour le candidat lors du vote en séance plénièrecar j'ai compris la nécessité du consensus. » L'ensemble des députés Syriza s'est rallié de la même façon au moment de l'élection.
Remous, désaccords, discussions… et, finalement, discipline de parti. Syriza continue d'afficher son unité. Jusqu'à quand ? L'exercice du pouvoir oblige chacun à se repositionner. Yorgos Katrougalos, ministre adjoint à la réforme administrative qui annonçait, dès sa prise de fonctions, la réembauche du personnel licencié de la fonction publique, a dû prendre son mal en patience. Syriza fait l'apprentissage du compromis… et le fait plutôt bien, selon lui. « Avec l'accord du 20 février, nous avons réussi à gagner du temps et de l'espace politique afin d'appliquer notre programme. Nous n'appliquerons pas tout le programme, mais l'essentiel de ce que nous voulions est acquis : des mesures contre la crise humanitaire, et des mesures contre l'agenda néolibéral des mémorandums d'austérité. Là-dessus, nous avons convaincu nos partenaires. »

Des signaux contradictoires

Il n'empêche. Deux mois après cet accord avec l'Europe, le gouvernement est toujours empêtré dans les négociations sur son application. L'Eurogroupe se réunit à nouveau vendredi 24 avril pour finaliser la liste des réformes. Et Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, a déclaré ce mercredi qu'il était peu probable que la Grèce et le reste de la zone euro parviennent à se mettre d'accord d'ici là… Dans la foulée, l'agence de notation Standard & Poor's a abaissé d'un cran la note de la Grèce.
« La pression continue de nos partenaires, qui nous demandent de nouvelles garanties chaque semaine, est très dure. Ce n'est pas facile de gouverner dans ces conditions ! »soupire Yorgos Katrougalos, qui ajoute : « Mais nous n'avons pas fait cette volte-face qu'ils attendaient de nous. C'est pourquoi nous bénéficions toujours d'un soutien important de la population. » De fait, les instituts de sondages donnent Syriza gagnant avec une majorité absolue si de nouvelles élections anticipées étaient convoquées…
Dans les ministères comme à la Vouli (le parlement), la lassitude face à la position bruxelloise est unanime. Dans un entretien au Journal des rédacteurs (favorable à Syriza) en début de semaine, Dimitris Christopoulos, le conseiller de la ministre adjointe à la politique migratoire qui prépare actuellement une grande réforme, lâchait : « Le pays ne peut pas être géré normalement si, toutes les deux semaines, il faut s'occuper d'un quelconque nouveau délai de l'Eurogroupe. Qu'ils nous laissent un petit peu travailler, alors on devra se mesurer à nos propres faiblesses et s'efforcer de faireapparaître le marqueur réformateur de gauche qui pour le moment a bien de la peine à sortir. »
Le palais Maximou (nom de la résidence du premier ministre) rappelle de son côté que la Grèce n'a touché aucun versement depuis l'été dernier et ne mâche pas ses mots à l'égard des partenaires européens : « Au lieu d'ébruiter des scénarios de faillite, qu'ils prennent conscience de l'impasse dans laquelle nous conduit leur politique, d'autant que la Grèce rembourse normalement ses obligations, sans qu'elle ait touché un euro depuis août 2014 », pouvait-on lire dans un de ses communiqués cette semaine.
Depuis l'entrée en fonctions du gouvernement Tsipras, les communiqués sont pratiquement quotidiens – quand ils ne tombent pas plusieurs fois par jour –, mais la communication de l'exécutif reste brouillonne. Il arrive régulièrement que des annonces se contredisent d'un ministère à l'autre. « Les ministres racontent parfois n'importe quoi, et cela envoie des signaux contradictoires à nos partenaires ! » regrette, en off, une conseillère. La faute du débutant ? De fait, les nouveaux dirigeants ne sont pas encore complètement rompus à la langue de bois policée caractéristique des politiciens professionnels. Mais il y a quelque chose de rafraîchissant à écouter ceux d'entre eux issus de la société civile, ces intellectuels et ces chercheurs qui ont été nombreux à rejoindre les rangs de Syriza ces deux dernières années.
Sia Anagnostopoulou, élue pour la première fois à la Vouli le 25 janvier, fait partie de ceux-là. Cette historienne spécialiste de l'Empire ottoman le dit sans détour : « J'ai découvert un tas de nouvelles choses les premières semaines que j'ignorais. Moi qui dans mon travail de chercheuse étais habituée à étudier le fond des choses, j'ai dû aborder à toute vitesse de très nombreux sujets, tout en restant à la surface. J'ai découvert aussi que la politique consistait surtout à répondre aux questions des journalistes télé, à participer à de soi-disant débats où il faut avant tout paraître combatif mais jamais parler du fond… La politique m'est apparue comme un spectacle de mauvais goût. »
L'universitaire a décidé de se concentrer sur un domaine : affaires étrangères et européennes. Et surtout, en s'efforçant de rester la même personne : « Je continue de prendre taxis et transports en commun, je ne circule pas avec un chauffeur dans Athènes. » Son étonnement a été immense au lendemain de son élection, dans sa circonscription, à Patras : « Un tas de personnes sont venues me voir pour me demander du travail… Je n'ai pas donné suite évidemment, cclientélisme m'est complètement étranger. Je ne suis pas là pour assouvir une soif de pouvoir, cela me libère. Si je ne suis pas réélue, cela m'est complètement égal : j'aime beaucoup mon travail, je reprendrai mon poste à l'université ! »
Autre constat décevant pour cette intellectuelle : « La politique est masculine. Les femmes ne sont là que sous la tolérance des hommes. Je ne m'attendais pas à cela dans la Grèce du XXIe siècle... » Elle raconte une dispute qu'elle a eue en pleine assemblée avec un député de la droite. « À la fin de la discussion, il m'envoyait des bisous. C'est un comportement tout à fait inadmissible pour un parlementaire ! » Mais la plus touchée par le machisme ambiant est la présidente de l'assemblée, Zoi Konstantopoulou. Elle fait les frais depuis plusieurs semaines d'une vaste campagne de dénigrement.
C'est une femme au caractère bien trempé, aux convictions solides, peu tournée vers le compromis. À droite, mais aussi en interne, de manière plus discrète, on lui reproche son inflexibilité. « Mais on n'en fait pas toute une histoire lorsque des hommes ont ce type de caractère... », regrette Sia. Or la présidence du parlement est le seul poste important octroyé à une femme par le nouveau pouvoir. Le gouvernement Tsipras élargi ne compte que six femmes sur 41 personnes, et aucune n'a le rang de ministre.

Des lignes rouges

Si Zoi Konstantopoulou fait partie de ces gens bien décidés à appliquer le programme de Syriza, d'autres, y compris au sein de l'aile gauche du parti, se révèlent davantage enclins à faire des concessions. De fait, la question de la restructuration de la dette qui figurait dans le programme est passée aux oubliettes. « Syriza n'a plus le discours maximaliste qu'il tenait avant les élections, explique la politologue Filippa Chatzistavrou. C'est une évolution assez naturelle pour un parti qui voulait gagner les élections et qui faitmaintenant face à la réalité du pouvoir. Pour autant, le parti de Tsipras n'a pas tout abandonné, il a réussi à imposer la question de la crise humanitaire et l'idée qu'il faut desserrer la discipline budgétaire. Ce sont bel et bien des idées de gauche ! Je qualifierais la politique de Syriza aujourd'hui de néoréalisme économique et social. »
Le gouvernement Tsipras maintient en outre plusieurs lignes rouges : il veut réintroduire les négociations collectives (supprimées avec les mémorandums d'austérité), rétablir le salaire minimum à son niveau initial (soit 740 euros brut au lieu des 580 actuels), bloquer toute libéralisation du marché du travail et empêcher de nouvelles coupes dans les pensions de retraite. Ce sont là les points d'achoppement, actuellement, avec les partenaires de la zone euro – et ils doivent être résolus d'ici le 24 avril.
« Mais nous ne pouvons reculer là-dessus ! Ce n'est pas le mandat pour lequel nous avons été élus ! », proteste Yorgos Katrougalos. « Syriza ne peut faire une telle concession, explique de son côté Errikos Finalis, membre du comité central du parti.Nous ne sommes pas arrivés au pouvoir pour appliquer un nouveau mémorandum d'austérité ! Sinon, en quoi nous différencions-nous de nos prédécesseurs de la droite de Nouvelle Démocratie... ? Pour l'instant, nous ne pouvons même pas appliquer une petite partie de notre programme économique, c'est considéré comme un acte unilatéral ! »
Les seules mesures votées jusqu'à présent ont porté sur 200 millions d'euros : c'est une loi, votée à la mi-mars, qui prévoit la fourniture d'électricité gratuite aux plus pauvres, une aide au logement pour 30 000 foyers ainsi qu'une aide alimentaire pour 300 000 personnes. « Mais nous avions prévu 2,1 milliards d'euros au départ pour lutter contre la crise humanitaire ! »précise Errikos. « Tsipras veut rétablir le droit du travail aboli par les mémorandums d'austérité, il ne peut pas y renoncer et accepter la libéralisation voulue par les institutions européennes, c'est la loi structurelle de la gauche... », tranche de son côté la députée Sia Anagnostopoulou. « De l'extérieur, le premier ministre apparaît peut-être indécis. Mais c'est qu'en réalité il ne peut pas reculer ! »
Sur le dossier des privatisations en revanche, Syriza a opéré une marche arrière. Panayotis Lafazanis, le chef de file de l'aile gauche, avait annoncé dès sa nomination à la tête du ministère du redressement productif et de l'énergie l'arrêt de la privatisation du port du Pirée. Depuis, il a mis de l'eau dans son vin et affiche sa loyauté à Tsipras. D'arrêt total des privatisations, on est ainsi passé au « cas par cas ». Pour Yorgos Katrougalos, le ministre adjoint à la réforme administratives, les compagnies d'eau d'Athènes et de Thessalonique, sur la liste des biens à privatiser depuis 2011, doivent rester dans le domaine public. Mais difficile de saisir une parole officielle claire sur le sujet…
Les voix sont parfois dissonantes au sein de l'exécutif, composé de courants politiques plus divers qu'il n'y paraît. Même si le gouvernement a été formé en moins de 48 heures, un temps record dans l'histoire politique hellène, il repose sur un équilibre fragile : l'alliance avec un allié encombrant, la droite souverainiste des Grecs indépendants. Figurent également au sein de cet exécutif plusieurs anciens du PASOK, le parti socialiste, ralliés plus au moins tardivement à la gauche radicale.
Dans les ministères, il a fallu ensuite trouver rapidement des conseillers. Pas évident, pour un parti qui n'avait jamais gouverné et qui ne recueillait encore que 4 % des suffrages il y a quatre ans… Résultat, certains travaillent avec des conseillers déjà en place dans l'exécutif précédent. C'est le cas du ministre des affaires étrangères, l'étrange Nikos Kotzias, ancien stalinien devenu socialiste, aujourd'hui flanqué du conseiller de son prédécesseur, classé à droite.
Aux finances, Yanis Varoufakis a tout de suite fait appel à Elena Panariti, figure libérale du PASOK, issue du cercle de Yorgos Papandréou – celui qui a mis le pays sur le chemin de l'austérité en faisant appel, en 2010, au FMI et aux institutions européennes… L'économiste qui fut députée jusqu'en 2012 se défend toutefois de s'être compromise alors. « Je suis une spécialiste de l'économie du développement, dit-elle. Ce serait du gâchis que de ne pas participer aujourd'hui au redémarrage de mon pays. Le chômage a explosé, près du tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté, et les impôts ont été augmentés au-delà du niveau optimal. » N'a-t-elle pourtant pas elle-même voté ces programmes d'austérité jusqu'en 2012… ?

L'affrontement était inévitable

Si l'exécutif s'est étoffé d'experts reconnus dans le monde universitaire et classés à gauche, notamment pour les questions migratoires et la justice, dans les coulisses, certains sont donc restés en place. Et peuvent augurer d'un recentrage politique de Syriza. « Il n'y a pas de gauche du centre, de gauche radicale, assure Elena Panariti. On n'est plus dans des querelles de chapelle, on est là pour remettre le pays debout. On doit travailler comme une équipe unie. C'est le grand mérite de Tsipras : il a réussi à réunir des gens comme moi et d'autres comme Lafazanis… Cela n'avait rien d'évident, cela démontre sa capacité de leadership. »
Libérales, anticapitalistes, modérées ou radicales, plusieurs personnes interrogées sont toutefois d'accord sur un point : l'attitude des Européens, en particulier celle exprimée par Berlin, a été très méprisante à leur égard. Et cette posture, loin d'être pragmatique et réaliste, est au contraire profondément idéologique. « Les négociations avec l'Eurozone, c'est une discussion plus politique que technique », nous confie-t-on au ministère des finances. S'attendaient-ils à une position aussi ferme de la part des institutions européennes ? « Oui, répond le ministre adjoint à la réforme administrative Yorgos Katrougalos, mais malgré tout personne ne veut une rupture. Ce serait un désastre pour la Grèce et pour l'Europe. »
Syriza au pouvoir, en fin de compte, n'a plus grand-chose de radical. Et c'est là le paradoxe. « Ce que nous défendons aujourd'hui, explique ce ministre issu du monde universitaire, ce n'est pas du tout révolutionnaire. Si nous étions dix ou vingt ans en arrière, ce serait tout simplement le programme d'une social-démocratie très souple.C'est un modèle qui veut réconcilier le marché avec les droits sociaux et qui veut apporter des réponses à la crise humanitaire, ce n'est pas du tout radical ! Toute la difficulté aujourd'hui est d'appliquer ce programme de gauche dans une Europe néolibérale. »
La dimension radicale, selon ce ministre, viendra plus tard, quand le nouveau compromis avec Bruxelles sera trouvé. Alors, Syriza tentera de changer en profondeur l’État et la société : rendre l’État plus démocratique, le rapprocher des citoyens, introduire la possibilité de révocation des députés, créer un référendum d'initiative citoyenne. En bref, mettre en place une « démocratie populaire ».
Au siège du parti, aussi, on parle de position « modérée »« Au niveau économique, notre proposition n'a rien de radical, c'est une proposition équilibrée, rationnelle et efficace, estime Errikos Finalis. Le problème est que nos partenaires ne pensent pas en termes économiques mais en termes politiques. Il y a plusieurs élections à venir cette année dans différents pays européens, et les dirigeants actuels ne veulent pas ouvrir la voie à une alternative. Il s'agit d'obtenir une punition exemplaire de Syriza et de la Grèce, afin de ne pas voir se reproduire un scénario semblable ailleurs, comme Podemosen Espagne. »
Syriza se retrouve dès lors confrontée à un choix crucial, qui va bien au-delà des frontières de la Grèce : « Accepter la politique européenne actuelle, ce ne sera pas seulement un échec économique. Ce sera aussi la disparition de toute alternative de gauche, et cela ne fera que profiter à l'extrême droite. » Errikos en est convaincu, c'est« une guerre économique et politique » qui se joue aujourd'hui. Ce n'est pas lui qui se radicalise, mais les institutions européennes, estime-t-il.
Pour la politologue Filippa Chatzistavrou, qui enseigne à l'université d'Athènes, cet affrontement était inévitable : « L'Union européenne est prise dans un dogmatisme forcené. Il n'y a aucune logique dans ce qui est proposé, ni aucune discussion possible. Or la politique consiste en l'élaboration d'un consensus : il faut que chacun déplace ses positions. Cela ne consiste pas en l'application de nouveaux délais imposés toutes les trois semaines par M. Schäuble ! Aujourd'hui, il n'y a plus ce mécanisme de consensus qui était pourtant à la base de l'intégration européenne. »
Le gouvernement Tsipras, en fin de compte, s'est mis à faire de la politique dans ce qui était jusqu'à présent des réunions aux conclusions connues d'avance… Quel vent d'air frais sur Bruxelles… « Syriza refuse de se laisser gouverner par la technocratie. C'est le seul à le faire, c'est cela, le changement majeur ! » conclut Filippa Chatzistavrou.
Et pour faire entendre sa voix, le gouvernement Tsipras est bien décidé à jouer toutes ses cartes. La semaine dernière, Tsipras se rendait à Moscou ; Panos Kammenos, le ministre (souverainiste) de la défense, s'y est rendu à son tour cette semaine. Sans vouloir remettre en cause son appartenance européenne, Athènes entend développer ses alliances à l'international, et des contacts sont noués actuellement avec la Chine et le Brésil.

Pas à pas, quelques réformes

Le défi, pour tenir tête aux apôtres de l'austérité, est immense. Impossible à relever, diront les pessimistes. Et pourtant. Aucun de ces nouveaux dirigeants rencontrés à Athènes ne veut baisser les bras. « Pour la première fois, nous avons la possibilité de changer les choses, de mettre fin à des décennies de clientélisme, dit Yorgos Katrougalos. J'ai confiance en notre politique, car c'est une politique dont la Grèce, mais aussi l'Europe, a besoin. » « Notre grande réussite tient à ce que les partenaires européens ne nous ont pas encore tués, assure de son côté Errikos Finalis. Les électeurs attendaient de nous qu'on leur redonne oxygène et dignité. Et cela, nous avons réussi à le faire. »
Si les discussions européennes dominent l'agenda depuis les élections, le nouvel exécutif parvient, pas à pas, à faire passer quelques réformes dans le pays. Ce vendredi, une loi sur le système pénitentiaire devait être votée : elle est destinée à alléger les prisons du pays, nous explique-t-on au ministère de la justice, alors que la Grèce se caractérise par une surpopulation carcérale et des conditions de détention particulièrement critiques. Seront libérés, avec cette loi, les handicapés à plus de 60 %, seront également supprimées les prisons dites de « haute sécurité » et seront multipliées les mesures de libération conditionnelle. La possibilité d'incarcérer des mineurs de moins de quinze ans sera supprimée, et les peines infligées aux personnes toxicomanes seront allégées. Sans surprise, ce projet de loi a suscité une vive opposition sur les bancs de la droite… pour la première fois depuis l'arrivée au pouvoir de Syriza, elle avait là du grain à moudre.
Le gouvernement Tsipras a par ailleurs pour ambition de réorienter complètement la politique migratoire du pays, jusque-là très répressive, en mettant fin aux camps de rétention et en octroyant la nationalité grecque aux immigrés de deuxième génération. Au ministère de la réforme administrative, une loi est également en préparation, qui devrait être votée à la fin du mois. Il s'agit de supprimer la possibilité de réquisitionner militairement les grévistes, mais aussi de rationaliser les mesures disciplinaires dans la fonction publique (jusque-là utilisées principalement pour « terroriser » les fonctionnaires, dixit le ministre), et de lutter contre la bureaucratie en favorisant, notamment, la gouvernance électronique. Cette dernière mesure devrait faciliter la vie des particuliers, qui jusqu'à présent doivent faire face à de multiples services et paperasses différentes pour la moindre procédure administrative.
Le projet de loi en préparation prévoit également la réembauche, avec évaluation de leurs compétences et nouvelle affectation en fonction des besoins de l'administration, de quelque 4 000 personnes licenciées sous les gouvernements précédents, notamment le personnel de la police municipale, des enseignants techniques et les femmes de ménage des ministères. La mesure qui va à l'encontre des injonctions européennes est en réalité minime au regard de l'écrémage de la fonction publique réalisée ces cinq dernières années. En 2010, la fonction publique grecque employait 920 000 personnes. En 2015, en raison du non-remplacement des départs à la retraite et de la non-reconduction des CDD, elle n'en compte plus que… 600 000. Un ratio inférieur à de nombreux pays européens.
Enfin, début avril, une commission d'audit sur la dette grecque a été mise en place, sur l'initiative de Zoi Konstantopoulou. Formée d'une trentaine d'experts grecs et étrangers, elle doit étudier la légitimité, la légalité et l'éventuel caractère insoutenable des dettes contractées par la Grèce depuis 2010, avant d'ausculter les dettes de la période antérieure. Premiers résultats attendus fin juin… au moment précis où Athènes veut
engager la discussion au niveau européen sur la restructuration de sa dette.

Du poison sur les tomates...

 
Chères amies, chers amis partout en Europe,

Des scientifiques réputés viennent de nous mettre en garde: le désherbant le plus utilisé au monde est “probablement cancérigène”! Monsanto fait tout pour que l’Organisation mondiale de la santé retire ce rapport détonant. Pour les experts, le seul moyen d’éviter que la science ne soit bâillonnée, c’est que le public exige des actes concrets dès maintenant.Les instances qui réglementent ce type de produit sont réputées pour leur opacité et l’influence qu’y exerce l’industrie agrochimique. Mais une opportunité unique s’offre à nous: l’Union européenne est officiellement en train de réévaluer l’autorisation du glyphosate et des processus similaires sont en cours aux États-Unis, au Canada et au Brésil. De leur côté, les Pays-Bas, le Sri Lanka et le Salvador envisagent une interdiction totale.
La menace est bien réelle: on retrouve des traces de ce poison dans notre nourriture, dans nos champs, dans les aires de jeux de nos enfants et dans nos rues. Demandons sa suspension! Rejoignez cet appel urgent et faites passer le mot à tout le monde:


https://secure.avaaz.org/fr/monsanto_dont_silence_science_loc_eu/?bjMzDab&v=57281

Chez Monsanto, c’est le branle-bas de combat. Le glyphosate est l’élément de base du Roundup, la pierre angulaire de l’empire du génétiquement modifié de Monsanto; il leur rapporte 6 milliards de dollars chaque année. La multinationale a déclaré que le rapport de l’OMS ignorait des études qui considèrent le glyphosate sans danger. Mais les scientifiques qui ont rédigé ce rapport ne sont pas des amateurs: il font partie des 17 meilleurs spécialistes mondiaux du cancer! Ils ont méticuleusement passé en revue des publications indépendantes, en éliminant toutes les études commanditées par les multinationales en quête d’une validation de leur produit.
La plupart du temps, les autorités de réglementation s’en remettent à des évaluations réalisées par les mêmes multinationales qui essaient de vendre leur poison! Les conclusions principales ne sont pas rendues publiques car elles contiendraient des “informations commerciales confidentielles”, et 58% des groupes scientifiques de l’Agence européenne de sécurité des aliments entretiennent des relations avec le secteur privé. C’est aberrant, mais c’est le système tel qu’il existe. C’est pourquoi nous allons avoir besoin de chacun de nous pour faire en sorte que ce rapport crucial ne soit pas enterré.
Certains pays ont déjà interdit le glyphosate. Maintenant que l’UE, les États-Unis, le Canada et le Brésil sont en train de réévaluer son autorisation, nous avons une opportunité unique de changer la donne au niveau mondial.
Il y a cinquante ans, le DDT, un insecticide de Monsanto, était utilisé partout jusqu’à ce que le livre “Printemps silencieux” démontre qu’il était cancérigène. Une décennie plus tard, ce produit était interdit. Si le glyphosate est nocif, ne le tolérons pas sur nos étalages pendant encore dix ans. Demandons l’application du principe de précaution d’urgence! Rejoignez-nous et faites passer le mot tout autour de vous:


https://secure.avaaz.org/fr/monsanto_dont_silence_science_loc_eu/?bjMzDab&v=57281

Nous avons déjà remporté ce genre de victoires: nous avons contribué à la mise en place d'un moratoire sur les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles en Europe et fait fermer une méga-usine de fabrication de semences transgéniques de Monsanto en Argentine. Aujourd’hui, il est temps de protéger notre santé et de nous assurer que nous ne sommes pas utilisés comme cobayes. Cela pourrait bien être un tournant dans le combat pour l’agriculture raisonnable et durable dont le monde a besoin.

Avec espoir,

Bert, Marigona, Antonia, Oliver, Alice, Emily, Danny, Nataliya, Ricken et toute l’équipe d’Avaaz

SIGNEZ LA PETITION ICI.
 
POUR PLUS D’INFORMATIONS:

Herbicide: sévère mise en garde contre le glyphosate (Le Figaro)
http://www.lefigaro.fr/sciences/2015/04/03/01008-20150403ARTFIG00365-herbicide-severe-mise-en-garde-contre-le-glyphosate.php.

Le désherbant Roundup classé cancérogène (Le Monde)
http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/25/le-desherbant-roundup-classe-cancerogene_4600906_3244.html

Cancérogène, le Roundup? Monsanto attaque les chercheurs (Terra Eco)
http://www.terraeco.net/Monsanto-Roundup-OGM-glyphosate,59150.html

Le glyphosate, le pesticide le plus épandu en France, “probablement cancérigène” (Sciences et Vie)
http://www.science-et-vie.com/2015/03/le-glyphosate-le-pesticide-le-plus-epandu-en-france-probablement-cancerogene/

Pesticides cancérogènes "possibles": Royal contre une "vente libre" aux particuliers (AFP)
http://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/pesticides-cancerogenes-possibles-royal-contre-une-vente-libre-aux-particuliers-article_293651/

Cultures OGM et pesticides: les effets négatifs du "roundup" sous-estimés (Combat Monsanto)
http://www.combat-monsanto.org/spip.php?article894

La fiabilité de l’agence européenne de sécurité alimentaire mise en doute (Euractiv, en anglais)
http://www.euractiv.com/cap/food-safety-agencys-reliability-comes-fresh-criticism-news-510827

Glyphosate: des raisons de s’inquiéter! (Les Amis de la Terre)
http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/glyphosate_briefingmedia-2.pdf
Rapport du Centre International de Recherche sur le Cancer (en anglais)
http://www.iarc.fr/en/media-centre/iarcnews/pdf/MonographVolume112.pdf
Pour consulter davantage de sources sur cette campagne, cliquez ici.

Printemps de Sivens : maintenu, déplacé et redimensionné

Communiqué sous-marin N°1

L'évènement prévu les 25 et 26 avril à Vaour est annulé. Contrairement à ce qui a été
annoncé, rien ne se passera à Vaour : ne vous y rendez pas et faites passer le message. Notons
cependant que cet évènement n’aura pas manqué d’attirer l’attention héliportée et tatillonne de la
gendarmerie et de la préfecture, ainsi que celle des pro-barrages bien entendu.
Dans un tel contexte, il apparaît clairement que nous ne pouvons ni accepter de nous taire, ni
tomber dans le piège de l'affrontement direct. Nous voulions un temps pour que toutes les
personnes qui ont participé à un moment ou à un autre à la lutte contre le barrage de Sivens
puissent se retrouver, parler de tout ce qui s'est passé, partager et réfléchir ensemble, dans une
ambiance familiale et conviviale. Nous le voulons toujours et c'est ce que nous organisons. Comme
le conseil général du Tarn, nous avons décidé de redimensionner notre projet (sans plus de
précision), et de le déplacer (sans plus de précision).

Dans l’immédiat et avec les informations dont nous disposons, nous ne prévoyons pas de réoccuper
la zone au cours de ce week-end. Nous ne comptons rien faire d'autre qu'exercer notre droit à nous
rassembler. Mais nous avons déjà constaté que nous ne pouvions pas compter sur l'état républicain
pour nous garantir ce droit. Nous allons donc nous le garantir nous-même dans la joie et la
bonne humeur. Une équipe travaille à cela. Si vous avez déjà participé de près ou de loin, vous la
trouverez facilement pour l'aider. Le lieu de rendez-vous ne sera certainement pas communiqué par
internet, mais cela se passera dans le Tarn. Le programme (de samedi 25 à 10h au dimanche 26 à
14h) sera diffusé vendredi 24. Pour les détails, la communication directe de personne à personne
sera favorisée, en espérant n'exclure personne. D'autres communiqués suivront sans doute,
consultez régulièrement le site tantquilyauradesbouilles.wordpress.com et ne croyez pas trop
aux rumeurs !

Le collectif Tant qu'il y aura des Bouilles

Grèce : Les prisons de type-C sont abolies ! La grève de la faim s’achève

Après 48 jours de grève de la faim des prisonniers politiques grecs, le gouvernement grec vient de valider une série de lois en lien avec les revendications du DAK (Réseau des Combattants Emprisonnés). La victoire la plus significative st évidemment l’abolition des prisons de type-C, les prisons spéciales de haute-sécurité pour prisonniers politiques et rebelles. La loi "anti-capuche" voit son cadre rétrécir puisque le port d’un masque ne sera une circonstance aggravante que pour les vols à main armée. Pour ce qui concerne l’utilisation de l’ADN : un expert indépendant sera désigné à chaque fois que du matériel génétique sera utilisé. Enfin, l’autre victoire significative des prisonniers est la loi qui permet aux prisonniers condamnés à perpétuité, ayant purgé 10 ans de leur peine et invalides à plus de 80% de terminer leur peine à domicile avec un bracelet électronique. Savvas Xiros, handicapé à 98% et emprisonné depuis 13 ans devrait donc pouvoir quitter la prison très prochainement.

Le DAK (dont 8 prisonniers étaient toujours en grève de la faim) a annoncé mettre un terme à sa grève de la faim qui durait depuis le 2 mars suite à l’annonce du vote.
D’autres lois concernant le monde carcéral ont également été votées ce vendredi en Grèce : concernant l’enfermement des mineurs (le cadre le permettant est réduit), concernant l’enfermement en général, et concernant les centres fermés pour illégaux. 3.500 personnes sans documents d’identité vont être libérées.
Les revendications non-acceptées des prisonniers sont l’abolition des lois anti-terroristes 187 et 187A, que les élus Syriza avait pourtant dénoncé lorsqu’elles avaient été votées au début des années 2000...
Depuis la prise de pouvoir de Syriza le 25 janvier dernier, le mouvement anarchiste grec a multiplié les actions pour soutenir les revendications des prisonniers grecs dans la rue. Récemment encore, la nuit du 12 au 13 avril, l’ELF (Earth Liberation Front, qui en Grèce est une cellule de la FAI-IRF) avait incendié un abattoir à volailles, revendiquant cette action en solidarité avec les prisonniers politiques en grève de la faim.
Extrait du communiqué du DAK "C’est également un résultat positif pour le combat global contre le patronat et le nouveau totalitatisme qu’ils imposent, c’est aussi un pas de plus vers une société sans classes. Notre but est d’utiliser cette victoire et le nouveau territoire conquis pour devenir plus dangereux encore envers le pouvoir. Nous partageons les flammes de la victoire avec tous ceux qui ont vu en cette lutte une cause commune et ont prit part dans notre combat".
Incendie d'un abattoir. Incendie d’un abattoir.

Les Danois font reculer Total sur le gaz de schiste

Par Sylvain Lapoix (Reporterre)



Au nord du Danemark, population et militants bloquent les opérations de prospection pour les gaz de schiste du géant français Total. Celui-ci pensait commencer son premier forage en ce mois d’avril.
« Nej tak til skifergas » : « Non merci aux gaz de schiste ». Comme tous les matins depuis 260 jours, Noël compris, des militants déroulent cette banderole devant la plateforme d’exploration pour les gaz de schiste de Total à Dybvard, à l’extrémité nord de la péninsule danoise. Jusqu’ici peu médiatisé, ce coin perdu du Nord Jutland a vu affluer les médias lundi 13 avril quand des militants de Greenpeace se sont infiltrés jusqu’au sommet de la tour de forage pour tendre un kakemono « Stop fracking » à 25 mètres au dessus de la lande.
Après l’interdiction de la technique de fracturation hydraulique par la France en juillet 2011 et le retrait de la compagnie du sud de la Pologne, le permis de Nordylland est aujourd’hui la zone d’exploration pour les gaz de schiste la plus avancée de Total en Europe. Or, c’est justement à la veille de la première fracturation hydraulique (intervenant dans le cadre de la « production du réservoir » selon le jargon utilisé par la compagnie), que l’ONG environnementaliste a déployé casques et baudriers pour raviver le débat sur ces discrètes opérations.

Loin de la capitale

Comme l’indique le rapport de référence de l’Energy Information Agency américaine, le nord de la partie continentale du Danemark et la région insulaire autour de la capitale Copenhague reposent sur les schistes de la période cambro-ordovicien pouvant renfermer les fameux gaz. S’il existe des ressources dans la pointe sud de la Suède, le Danemark présente selon l’agence états-unienne le plus gros potentiel scandinave, avec près de 900 milliards de mètres cubes de gaz de schiste récupérables - en théorie (cela représente un peu moins d’un quart des estimations pour la France).
En 2010, la filiale Total E&P Denmark a obtenu 5261 km² de concessions sur deux permis : l’un couvrant toute la pointe nord du Jutland où se trouve la plateforme de Dyvbard, l’autre dans le tiers nord-est de l’île de Seeland où se trouve la capitale Copenhague. Copenhague où s’était déroulé quelques mois plus tôt le sommet sur le climat.
Pour l’accompagner dans cette opération, Total a reçu le soutien à hauteur de 20% du Nordsøfonden. Ce fond public créé en 2005 par le gouvernement conservateur d’Anders Fogh Rasmussen a pour vocation d’aider le Danemark à faire face à l’épuisement de la mer du Nord par des investissements stratégiques. Un dispositif proche du fonds norvégien, à ceci près qu’il pare à l’essoufflement des plateformes pétrolières offshore... en misant sur les gaz de schiste ! Si les deux concessions sont éligibles aux forages, seule la plus éloignée de la capitale a été mise en travaux.

Un mouvement parti de la base

A peine avait-elle obtenu l’autorisation de la commune voisine de Frederickshavnque la compagnie Total a dû faire face à l’opposition des riverains. Et sur le terrain d’une ferme voisine, une tente constitue depuis plus de huit mois le point de ralliement. Une à cinq personnes y montent la garde, principalement des gens du coin, fermier ou retraités, généralement la cinquantaine passée et sans passé politique ou militant.
La province compterait quatre à six collectifs anti-gaz de schiste. Lesquels ont très vite été rejoints par les différentes composantes du mouvement écologiste danois : « Les anti-nucléaires danois sont très vite venu prêter main forte, explique au téléphone Siggur, soutien logistique au mouvement Total Blokade. Leur combat date des années 1970 et ils ont gagné la bataille, ce sont donc plutôt des militants d’une soixantaine d’années. Mais des activistes plus jeunes ont vite afflué de la ville voisine d’Aalborg ou même de Copenhague ».
Ici comme en France, la mobilisation a pris forme en dehors des réseaux institutionnalisés. « Les ONG et les partis politiques ne jouent pas un grand rôle dans le mouvement écologiste, insiste Siggur. Je me coordonne avec des réseaux indépendants qui se sont structurés autour de la Cop 15 en 2009, je n’ai pas d’activité militante par ailleurs ». Alimentés en main d’oeuvre et outils de communication par ces militants , les opposants locaux aux gaz de schiste parviennent à réunir chaque jour une cinquantaine de personnes pour se rendre sur le site et entonner des chants de protestation, brandissant des pancartes où apparaît parfois le « trèfle radioactif » symbolisant l’industrie nucléaire. Un souvenir, peut-être, que les couches de schiste visées par Total ont longtemps servi de mine d’uranium (comme ce fut le cas aux Etats-Unis avec la Pennsylvanie).

Huit jours de préparation

Fatigué par les mois d’hiver où un vent à 6 degrés sous zéro s’engouffrait parfois sous la tente, les militants souhaitaient depuis plusieurs mois sortir de l’action symbolique. Suivant le calendrier de Total et des indiscrétions, ils avaient appris que la première fracturation hydraulique aurait lieu «  fin avril ». Par mesure de précaution, avant même que les alpinistes de Greenpeace ne sautent la barrière, les militants locaux ont constitué un barrage dès le dimanche 5 avril pour empêcher à tout camion d’acheminer équipement ou matériaux.
Une semaine plus tard, les renforts parvenaient du reste du pays : « Quand nous sommes arrivés lundi 12 en plein milieux de la nuit, nous avons empilé tout ce que nous trouvions sur la route car nous savions qu’ils arrivaient, raconte Simon au téléphone. Le lendemain, nous avons bloqué un convoi de six camions pendant plus de deux heures à une soixantaine de personnes, principalement venues de Copenhague. »
« La police va gérer la situation » prédisait lundi 13 avril Total Danemark dans un communiqué, affirmant par la voix de son directeur d’exploitation que l’occupation coûtait des dizaines de milliers d’euros chaque jour à l’entreprise. Enchaînés sur des chaises de jardin, les militants ont progressivement été évacués par les forces de l’ordre mercredi.
Ce bref coup d’éclat a donné au mouvement l’élan pour lancer un appel européen via les mouvements anti-gaz de schiste nationaux (notamment en France). Retardé dans ses travaux, Total ne peut guère se permettre d’attendre plus longtemps : la concession prenant fin en 2016, le pétrolier devra livrer des estimations techniques et économiques dès la fin de l’année pour espérer obtenir une prolongation ou une mutation du permis.




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