lundi 17 novembre 2014

Dossier : Le barrage de SIVENS

Source : fédération des travailleurs de l'industrie du livre CGT

LIBÉRATION

Les gendarmes échappent-ils au droit commun ?

Décryptage d’un point juridique au cœur de l’actualité. Aujourd’hui, retour sur le dessaisissement du procureur d’Albi au profit de celui de Toulouse dans l’enquête sur la mort de Rémi Fraisse, à Sivens.
Mardi, le procureur d’Albi révélait lors d’une conférence de presse que des traces de TNT avaient été retrouvées sur les vêtements de Rémi Fraisse, le jeune manifestant tué à Sivens, dans le Tarn.
« Ces résultats même partiels orientent l’enquête de façon significative puisque la mise en œuvre d’un explosif militaire de type grenade offensive semble acquise », ajoutait-il avant de se dessaisir du dossier au profit du parquet de Toulouse, expliquant : « On est sur le critère d’une infraction commise par un militaire. »
Le proc d’Albi a-t-il fait preuve d’une grande modestie, considérant l’affaire de Sivens trop grosse pour lui ? Ou bien les gendarmes ont-ils un régime juridique particulier et des juges qui leur sont réservés ?
JURIDICTION SPÉCIALISÉE
En réalité seules quelques juridictions sont habilitées à enquêter sur les infractions commises par des militaires dans l’exercice de leur service (une par cour d’appel, c’est-à-dire chaque grande « région judiciaire »). Les gendarmes étant des militaires, ce sont ces juridictions spécialisées qui jugent les crimes ou les délits qu’ils commettent « dans le service du maintien de l’ordre » (les articles 697 et 697-1 du code de procédure pénale organisent cette particularité militaire).
Dans l’affaire du décès de Rémi Fraisse, c’est le tribunal de grande instance de Toulouse, dont dépend Albi, qui abrite la juridiction spécialisée en matière de justice pénale militaire. C’est elle qui a ouvert, mercredi, une information judiciaire contre X du chef de « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, faits commis par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions ».
Les magistrats de ces juridictions spécialisées sont des juges et des procureurs ordinaires, qui ne se bornent pas à traiter les seuls dossiers militaires. Ils ne reçoivent pas de formation particulière.
« L’idée, c’est plutôt de permettre à ces collègues de se spécialiser petit à petit sur ces dossiers : il faut qu’ils connaissent les spécificités de ce droit, qu’ils aient les bons réflexes », commente Richard Samas, membre de l’Union syndicale des magistrats (USM).
Rassembler les dossiers militaires similaires permet aussi d’organiser les services de manières plus efficaces et d’harmoniser les décisions et jurisprudences. « Mais spécialisation ne veut pas dire justice d’exception, insiste Richard Samas. Ces magistrats jugent les militaires comme ils jugent n’importe quel citoyen lors de leurs autres audiences. »
Depuis plusieurs décennies au contraire, la justice militaire s’est progressivement éloignée des juridictions d’exception, pour se rapprocher du droit commun:en 1981, Robert Badinter a ainsi supprimé la Cour de sûreté de l’Etat et les tribunaux des forces armées.
TEMPS DE PAIX ET TEMPS DE GUERRE
Les militaires sont soumis depuis 1966 à un code de la justice militaire. Il définit les peines en cas de désertion, d’insoumission, de capitulation (passible de la réclusion criminelle à perpétuité), de mutilation volontaire, d’outrage à un supérieur ou à un subordonné… I l repose d’abord sur une distinction entre le « temps de paix » et le « temps de guerre », qui permet beaucoup plus de dérogations au droit commun. Pour les infractions commises en « temps de paix », le droit militaire fait une seconde distinction, cette fois entre les délits intervenus sur le territoire national – jugés, donc, par une juridiction spécialisée dans chaque cour d’appel – et ceux commis par des militaires à l’étranger.
Ces derniers sont aujourd’hui traités par une chambre spécialisée du tribunal de grande instance de Paris. C’est une évolution très symbolique et récente : jusqu’en 2011, c’était le « tribunal aux armées de Paris » qui en était chargé. Les magistrats professionnels siégeaient alors dans la caserne de Reuilly… Aujourd’hui, les audiences se tiennent au palais de justice, comme pour n’importe quel autre citoyen.
Revenons aux crimes et délits survenus en France. Pourquoi donc les gendarmes – contrairement aux policiers – ont-ils droit à une justice spécialisée ? « Ça peut se comprendre puisque les militaires ont une mission spécifique soumise à un cadre particulier, comme le prouve l’existence d’un Code de justice militaire ou le fait que les militaires français n’ont pas le droit de grève dans les faits – même si la Cour européenne des droits de l’homme le leur garantit. », estime Richard Samas.
Autre exemple de cette spécificité gendarmesque : les règles de la légitime défense ne sont pas les mêmes pour les policiers, logés à la même enseigne que n’importe quel quidam (en l’occurrence le code pénal), et pour les gendarmes qui peuvent utiliser leurs armes après sommation (article L2338-3 du Code de la défense).

La distinction entre justice militaire et justice de droit commun, entre droit du gendarme et droit du policier, est avant tout une résurgence du passé.

« C’est ce qui reste de la justice militaire qui pour l’essentiel a été abrogée, note le sénateur du Loiret Jean-Pierre Sueur, vice-Président de la commission des lois. A mon sens, elle pourrait encore évoluer, et se passer de juridictions spécialisées pour les infractions commises lors de missions de maintien de l’ordre. »
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Le Monde.fr - AFP

la thèse de la grenade offensive confirmée par les analyses

Le campement des opposants au barrage de Sivens (Tarn), le 28 octobre, 3 jours aprés la mort du jeune opposant Rémi Fraisse au barrage de Sivens. Les analyses du sac à dos que portait le manifestant Rémi Fraisse au moment de sa mort dimanche 26 octobre au barrage de Sivens (Tarn) confirment la thèse d’un décès causé par une grenade offensive des gendarmes, selon des informations de l’Agence France-Presse.
« Les examens réalisés sur le sac à dos de Rémi Fraisse ne mettent en évidence aucune substance, sinon le TNT présent dans la grenade utilisée par la gendarmerie », a indiqué une source proche du dossier à l’agence de presse. « C’est donc bien l’explosion de la grenade qui a causé la mort de Rémi Fraisse », conclut cette source.
Une autre source a confirmé à l’AFP que ces analyses n’avaient pas fait apparaître d’éléments chimiques entrant dans la composition des engins pyrotechniques artisanaux fabriqués par une partie des opposants au barrage sur le site et utilisés contre les forces de l’ordre.
En clair, cela signifie que Rémi Fraisse ne portait pas au moment de sa mort de cocktail Molotov artisanal, comme cela avait été soupçonné au début de l’enquête. La plupart des experts estimaient en effet qu’une grenade offensive seule ne pouvait provoquer la mort, mais qu’elle pouvait avoir été associée avec un autre agent explosif.
ANALYSE SUR LES RESTES DU SAC À DOS
Interviewé sur cette possibilité, un gendarme expliquait ainsi cette semaine au site de l’Obs :
« Si ce manifestant avait dans son sac à dos un fumigène, un réchaud à gaz, un explosif maison, genre bombe agricole ou même peut-être un aérosol, alors là, il est possible que la combinaison avec une grenade entraîne une blessure mortelle. Mais il faudrait dans ce cas que la grenade tombe dans son sac. Ce serait vraiment un scénario improbable. »
Anna, l’amie de Rémi Fraisse, présente sur place, a assuré au site Reporterre que le jour de sa mort, « il avait juste une bouteille de vin et des gâteaux apéritifs dans son sac à dos ».
Les techniciens de la police scientifique ne possèdent cependant pas l’intégralité du sac à dos que portait Rémi Fraisse au moment où il est mort dans la nuit de samedi à dimanche. Les analyses ont ainsi été menées sur les restes du bagage — le dos du sac et les bretelles.
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LES INROCKUPTIBLES

les gendarmes ont livré trois versions différentes des faits

RTL a révélé que les gendarmes avaient donné trois versions différentes des faits sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse.
Que s’est-il passé dans la nuit du 25 au 26 octobre sur le lieu du conflit autour du barrage de Sivens ? Une chose est sûre, vers 2h du matin, Rémi Fraisse est mort, suite à l’explosion d’une grenade tirée par les gendarmes mobiles. Mais quelle a été l’attitude des forces de l’ordre ? Alors qu’une enquête est en cours pour établir les responsabilités du décès, les gendarmes ont donné successivement trois versions différentes des faits, a révélé hier RTL.
Le dimanche soir, le procureur de la République d’Albi , Claude Dérens, en charge de l’enquête, a déclaré lors d’une conférence de presse : “Les gendarmes ont repéré un corps gisant au sol, ils ont fait une sortie pour rapatrier la personne et la soigner”. Il s’agissait de la première version, qui laissait planer l’idée que la police n’était pas impliquée dans le décès.
La préfecture a ensuite avancé un autre scénario, selon lequel les gendarmes auraient tiré avant de voir une personne s’écrouler à une cinquantaine de mètres. Ils auraient alors pris le temps de prévenir leur hiérarchie. La nuance est de taille. Ils auraient ensuite “porté secours au jeune homme victime d’une plaie de dix à dix huit centimètres entre les omoplates. Le décès aurait été rapidement constaté”, rapporte RTL.
Selon la dernière version, celle qui a été officiellement retenue, les gendarmes mobiles auraient immédiatement porté secours à la victime après avoir tiré, “et ce sous les projectiles, afin d’emporter son corps et lui donner les premiers secours”, en vain.
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ALENCONTRE

Les « forces de l’ordre » du gouvernement « socialiste », partisan de la « transition énergétique »

Par Sybille Vincendon, Gilbert Laval et Lilian Allemagna
« Projet suspendu »,« travaux stoppés ». Des cercles gouvernementaux à Paris, jusqu’au conseil général du Tarn, qui souhaite depuis plus de vingt ans réaliser le barrage de Sivens, il n’est plus question que de remise « à plat » d’un projet controversé et qui semble désormais compromis. Certes le sénateur Thierry Carcenac, président (PS) du conseil général du Tarn depuis vingt-trois ans, continue à défendre la pérennité de son barrage. Il envisage juste de « suspendre les travaux, en aucun cas sine die », mais l’Etat veut reprendre la main. Une réunion de « l’ensemble des parties prenantes » est prévue au ministère de l’Ecologie mardi. « Mon rôle est de trouver des solutions. C’est la raison pour laquelle j’avais diligenté un rapport d’inspection », a souligné mercredi 29 octobre la ministre Ségolène Royal.

L’origine du projet

A la fin des années 1980, quand le barrage commence à être envisagé, le problème est simple : comment disposer en été de l’eau que l’on aura stockée en hiver ? Mais à une bonne question, il arrive qu’on apporte de mauvaises réponses…
En deux mois sur place, Nicolas Forray et Pierre Rathouis, ingénieurs des Eaux et forêts, experts mandatés par Royal, ont réuni des éléments accablants : du constat des besoins aux impacts environnementaux en passant par le financement, tout était bancal. Dans ce bassin-versant de la rivière Tescou, 324 km2 entre Tarn et Tarn-et-Garonne, le territoire est très rural. Mais depuis les premières réflexions sur la possibilité d’un barrage, il a changé. « L’agriculture occupe encore 88% de ce territoire », mais elle est « en net recul », lit-on dans ce rapport. La surface agricole utile est passée de 3000 hectares en 2000 à 28’700 en 2010 et le nombre d’exploitations chutait de 1038 à 738.
De plus, « la nature des cultures a aussi changé », avec des « cultures sèches ou faiblement irriguées (céréales à paille, sorgho, tournesol) [qui] ont progressé », tandis que le maïs, très gourmand en eau, « est en nette régression », disent les experts. Dans la période récente, entre 2000 et 2010, « les surfaces irriguées ont diminué d’un tiers », passant de 18,5% des terres cultivées en 2000 à 12,5% en 2010.
Dans ces conditions, pour combien d’agriculteurs est-on en train de construire Sivens ? 81 dit le conseil général du Tarn, 19 affirment les opposants. Les rapporteurs s’en tiennent à 30. Mais ils observent qu’au fil des années, les exploitants ont créé des « retenues collinaires individuelles », des réservoirs dont le potentiel « est aujourd’hui largement sous-utilisé ». Alors, besoin d’eau ou pas ? « La pénurie d’eau est une réalité incontestable », admettent les deux experts. Mais quelle pénurie ? Evalués au doigt mouillé, les besoins ont été surévalués et logiquement, Sivens a été surdimensionné. Selon le rapport, 448’000 m3 auraient suffi au lieu des 1,5 million de m3 prévus par le barrage. En 2008, le conseil général du Tarn a décidé de passer une convention publique d’aménagement pour construire Sivens. Le texte de la convention signalait que « dès 1989 », les reconnaissances de terrain s’étaient heurtées « à des oppositions locales ». Il faudra attendre 2004 pour le choix d’une solution technique, trop grande et avec trop d’impact sur l’environnement.

L’aval du gouvernement

Arrivée en juin 2012 au ministère de l’Ecologie, Delphine Batho [relevée de ses fonctions le 2 juillet 2013 par Hollande—Valls] tente de bloquer ce projet. « Dès octobre 2012, je rédige une circulaire qui met fin au financement public des retenues de substitution comme c’est le cas pour le projet de barrage à Sivens », explique-t-elle à Libération. La ministre déchire deux circulaires prises sous la droite : l’une autorisant les agences de l’eau à financer ce type de projet et une autre permettant de se passer d’enquête publique. Le projet est alors « rhabillé », dit-elle, par les élus locaux en « soutien au débit d’étiage » pour contourner son moratoire.
Par la suite, l’enquête publique se déclare favorable au projet, « sous réserve » de l’avis du conseil national de la protection de la nature (CNPN). Lequel sera… défavorable. « Le 5 juin 2013, je dis alors au préfet du Tarn que je ne l’autorise pas à signer les arrêtés », poursuit Batho. Le projet est bloqué. Mais la ministre est limogée le 2 juillet. Début septembre, le CNPN, à nouveau sollicité, se redit « défavorable ». Peu importe : un mois plus tard, la préfète du Tarn signe deux arrêtés qui ont valeur de feu vert pour les travaux. Une nouvelle circulaire autorise le financement par l’Etat d’un projet de ce type. « Or il y a 4,25 millions d’euros d’argent public dans ce projet, affirme Batho. Si l’Etat décide de ne pas mettre 1 euro, le projet tombe. »
Le nouveau ministre de l’Ecologie Philippe Martin a-t-il été moins sourcilleux que sa prédécesseure ? Parmi les dirigeants écologistes, on estime qu’entre Batho et Royal, c’est Martin, président PS du conseil général du Gers, voisin du Tarn qui a laissé filer les autorisations. « Ce sont des intérêts bien compris entre territoires, fait valoir un poids lourd d’EE-LV [Europe-Ecologie-Les Verts] Martin voulait à ce moment-là être président de la région Midi-Pyrénées ! » Et donc ne pas se fâcher avec ses camarades du Tarn. L’ex-ministre se défend auprès de Libération : « Pendant les neuf mois où j’ai été ministre de l’Ecologie, je n’ai pas eu à traiter, de quelque façon que ce soit, ce dossier. Pas plus que tout autre dossier concernant une retenue d’eau d’ailleurs. »

Des élus locaux quasi unanimes

Ils ont été 43 conseillers généraux sur 46 à voter en mai 2013 les délibérations autorisant le lancement du barrage dans la forêt de Sivens. Un seul a voté contre, un élu de « sensibilité écologique ». Deux conseillers généraux Front de Gauche se sont abstenus. Les élus de droite ont voté avec les socialistes. Ce qui n’a pas empêché mercredi, le président départemental de l’UMP, maire de Lavaur et ex-député de la Droite Populaire, Bernard Carayon, de demander, au nom du « respect de la victime et de sa famille […] l’arrêt de ce désastre humain et politique ».
Pour le coup, le président (FDSEA – Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles, membre des organisations patronales françaises] de la Chambre d’agriculture, Jean-Claude Huc, s’en étouffe : « Il demande l’arrêt du barrage et c’est le maire de ma commune. Il va falloir qu’il me reçoive et me donne quelques explications. » Il n’y a pas un maire d’une commune riveraine des lieux qui ait jamais protesté contre ce projet. Les agriculteurs de la vallée eux-mêmes à l’exception des rares partiellement expropriés, n’ont jamais moufté. « Ce projet est depuis au moins quinze ans dans les tuyaux et n’a jamais suscité de révolte populaire, analyse le député PS Valax. Tout a été fait dans les règles, il est temps que les règles de la République l’emportent ».
Localement, le premier projet de barrage à Sivens date de 1989, à la demande du département voisin en aval, le Tarn-et-Garonne. « J’ai toujours entendu parler d’un éventuel barrage dans la forêt de Sivens, reprend Huc. Il faut savoir que cette vallée est la plus pauvre de tout le département. L’irrigation aurait permis à des exploitations familiales d’y vivre un peu plus correctement. » [1] Ainsi, il se félicite d’avoir toujours travaillé, « main dans la main avec le conseil général ». En particulier à partir de 2004 : « Il s’agissait alors pour nous de mesurer les possibilités nouvelles, dans le respect des territoires, qu’offrait un stockage de l’eau sur le Tescou. » Il concède que le projet était déjà « un peu surdimensionné », mais « la sagesse paysanne, s’amuse-t-il, indique qu’il faut toujours un peu plus que de besoin en prévision des mauvais jours… »

[1] « Philippe Maffre, membre du comité départemental de la Confédération paysanne, a son idée sur la question. Le syndicaliste reconnaît l’existence de « problèmes de sécheresse » dans la vallée du Tescou. « Ma grand-mère vient de là, et déjà gamin, j’entendais parler de cette guerre de l’eau. » Mais il estime qu’un réservoir pouvant stocker 1,5 million de m3 est surdimensionné et, surtout, trop coûteux. « Ces huit millions d’euros, pourquoi on les mettrait là et pas ailleurs ? Les problèmes de sécheresse, il y en a partout en France. » Pour lui, d’autres solutions auraient pu être envisagées, comme celle des « retenues collinaires », des réservoirs de taille plus modeste que les agriculteurs « pourraient partager ». « Au lieu de ça, on a choisi de confier les travaux à la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, s’inquiète-t-il. Les paysans vont se retrouver aux mains de cette technostructure. » Maffre fustige aussi le flou entourant le nombre de bénéficiaires potentiels de la retenue d’eau. Les autorités parlent de 81 exploitations, les opposants de 19. Les experts mandatés par Ségolène Royal ont, dans leur rapport publié lundi, tapé au milieu : entre 30 et 40 exploitants. « Huit millions d’euros pour aussi peu de monde, c’est beaucoup », dénonce Maffre ». (publié dans le quotidien Libération du 30 septembre 2014)
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Agrobusiness, conflits d’intérêts, mauvaise gestion

Par Nicolas Bérard
Elle est enfin sortie de son silence. Ségolène Royal, ministre de l’écologie, a annoncé mercredi 29 octobre, à la sortie du conseil des ministres, avoir convoqué une réunion « entre les parties prenantes » mardi prochain 4 novembre, sans préciser si les opposants qui ont occupé la zone du Testet seront invités. « Il faut que l’on trouve une solution qui justifie l’engagement des fonds publics et européens sur des ouvrages comme ceux-là », a déclaré la ministre. De son côté, Thierry Carcenac, président socialiste du conseil général du Tarn, a annoncé la suspension sine die des travaux du barrage. Mais mercredi, dans un entretien, l’élu socialiste explique ne pas vouloir renoncer pour autant à ce projet.
Le pouvoir et les élus locaux tentent ainsi de désamorcer la crise grandissante que provoque la mort de Rémi Fraisse, ce jeune militant de 21 ans tué le 26 octobre lors d’affrontements avec les forces de l’ordre sur le chantier du barrage de Sivens. « On sentait que ça allait arriver… » Julie, zadiste [de zone à défendre] de 37 ans, n’est guère étonnée par le drame qui a eu lieu au Testet. De nombreux manifestants avaient déjà été blessés et chacun, sur place, s’attendait à ce que les affrontements virent à la tragédie. Le décès de Rémi Fraisse, qui selon toute vraisemblance a été tué par une grenade offensive, n’est donc pas une réelle surprise pour nombre d’opposants : plutôt la confirmation qu’ils ont à faire face, depuis plusieurs semaines, à une réplique totalement disproportionnée des forces de l’ordre.
Pourquoi les autorités ont-elles déployé un dispositif aussi impressionnant de forces de l’ordre et pourquoi celles-ci semblaient bénéficier d’une telle liberté d’action ? Le tout pour un projet qui, selon les termes employés par les deux experts missionnés par le ministère de l’écologie, est tout simplement « médiocre »… La réponse se trouve dans un savant cocktail fait de conflits d’intérêts, d’alliances politiciennes et d’agrobusiness.
Si les opposants, notamment le Collectif Testet, se sont aussi rapidement méfiés du projet du barrage de Sivens, c’est que les méthodes employées par le conseil général du Tarn, maître d’ouvrage, et la CACG (compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne), maître d’ouvrage délégué, ne sont pas nouvelles. L’étude du barrage de Fourogue, construit à la fin des années 1990, apporte un éclairage saisissant sur les abus constatés, ou à venir, concernant la retenue de Sivens. Car les deux ouvrages ont été construits sur un schéma tout à fait similaire.
La zone humide de Testet déboisée. Or, les zones humides filtrent les polluants et agissent comme une station d’épuration naturelle de l’eau potable. On est là dans les services dits « écosystémiques » rendus gratuitement par la nature. Comme c’est un milieu de rétention d’eau, elles jouent aussi un rôle dans la prévention des crues. Elles participent aussi à la captation de CO2 et donc à la lutte contre le dérèglement climatique.
Premier enseignement à tirer de ce barrage de Fourogue de 1,3 million de m3 mis en service en 1998 : il est beaucoup trop grand par rapport aux besoins réels des agriculteurs. Mediapart a pu se procurer un mail, daté du 18 octobre 2013, envoyé par le directeur des opérations de la CACG au directeur de l’eau et de l’environnement du conseil général du Tarn, aujourd’hui en charge du dossier de Sivens. Il y fait part de « la faible souscription des irrigations [ :] à ce jour 269 ha au lieu des 400 prévus par la chambre d’agriculture ».
Ce surdimensionnement n’est pas sans rappeler celui dénoncé dans le cadre du projet de Sivens. Le Collectif Testet n’a dénombré que vingt exploitants susceptibles d’utiliser le réservoir de 1,5 million de m3 qui a été prévu sur la zone du Testet. Le rapport des experts, sévère dans son constat général mais néanmoins modéré dans son approche globale, estime pour sa part que le nombre de bénéficiaires est « de l’ordre de trente, et les préleveurs nouveaux environ dix ». On est loin des quatre-vingt-un exploitants annoncés par les promoteurs du projet. Cette surestimation du nombre de bénéficiaires n’est pas financièrement indolore. Non seulement elle conduit à mener des travaux plus importants et donc plus chers que ce que réclame la situation, mais, en plus, elle engendre des déficits chroniques dans la gestion des ouvrages. C’est ce que vient de nouveau démontrer le précédent de Fourogue : dans son courrier, le directeur des opérations de la CACG explique que l’exploitation du barrage souffre d’« un déséquilibre d’exploitation important ».
Alors que les recettes nécessaires à l’équilibre de cette retenue sont estimées à 35’000 euros par an, les recettes effectives annuelles ne sont que de 7000 euros. Résultat : après quinze années d’exploitation, la CACG déplore à Fourogue un déficit global de 420’000 euros. Pas d’inquiétude, néanmoins : la CACG et le conseil général se sont mis d’accord pour partager la note. S’adressant toujours à son collègue du conseil général, le directeur des opérations de la compagnie écrit dans un mail du 22 novembre 2013 : « Faisant suite à nos échanges en préfecture, je te propose de mettre un poste de rémunération de 50 % de la somme (…), soit 210 k€ correspondant à la prestation suivante : « Grosses réparations (15 ans) ». »
La faiblesse des recettes s’explique aussi par un autre facteur : l’ouvrage de Fourogue n’a plus de véritable cadre juridique. En cause : l’annulation de la DIG (déclaration d’intérêt général), que les opposants ont obtenue en justice en 2005 suite à une longue procédure débutée avant le lancement des travaux. En l’absence de cette DIG, la CACG, qui a construit l’ouvrage, n’a pas pu le rétrocéder au conseil général comme cela était initialement prévu.

Pas de mise en concurrence

Le conseil général et la CACG ont-ils cherché à régulariser cette situation ? Une fois de plus, ils ont plutôt décidé de laver leur linge sale en famille. Le département a ainsi signé une petite vingtaine d’avenants successifs pour confier la gestion du barrage à la compagnie. Ce qui n’est pas franchement légal. Un rapport d’audit accablant sur la situation du barrage, daté de mars 2014, note par exemple que la signature de l’un de ces avenants « doit être regardée comme la conclusion d’un nouveau contrat entre le conseil général et la CACG. Ce nouveau contrat s’apparente à une délégation de service public devant être soumise à une obligation de mise en concurrence ».
Mais de mise en concurrence, il n’y a point eu… En outre, grâce à ces avenants, la compagnie d’aménagement gère le barrage depuis désormais quinze ans. Et, prévient encore le rapport, « une durée trop longue peut être considérée comme une atteinte au droit de la concurrence ».
Lorsqu’il s’agit de la gestion de l’eau, la CACG devient vite, non pas l’interlocuteur privilégié du conseil général, mais plutôt son interlocuteur exclusif. Le rapport d’audit explique ainsi que « le contrat de concession d’aménagement a été signé entre le conseil général du Tarn et la CACG en l’absence de procédure de mise en concurrence conformément aux textes applicables aux concessions d’aménagement alors en vigueur. […] Or, la réalisation de la retenue d’eau constituait une opération de construction et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une concession d’aménagement. Contrairement aux concessions d’aménagement, les opérations de construction pour le compte d’un pouvoir adjudicateur devaient déjà être soumises à une procédure de mise en concurrence. »
Grâce à ces « concessions d’aménagement », comme cela est encore le cas pour le barrage de Sivens, la CACG n’a pas à se soucier des concurrents. Il lui suffit de se mettre d’accord sur un prix avec les élus du département. Pourquoi la CACG bénéficie-t-elle d’un tel favoritisme alors que sa gestion est contestée ? Une inspection réalisée en janvier 2014 par les services préfectoraux préconisait par exemple certaines rénovations à effectuer sur la retenue de Fourogue. Par courrier, il a été signifié à la CACG que « le système d’évacuation des crues présente des signes de désordre laissant un doute sur la sécurité de l’ouvrage en crue exceptionnelle et nécessite des travaux à effectuer rapidement ». N’ayant reçu aucune réponse de la compagnie dans les deux mois qui lui étaient impartis, les services d’État ont perdu patience et lui ont adressé un nouveau courrier le 15 avril. Ils exigent alors qu’elle se décide enfin à « réaliser rapidement un diagnostic de l’ouvrage déterminant l’origine de ces désordres (…) et [à] mettre en place des mesures compensatoires de surveillance et de sécurité sans délai », ces deux derniers mots étant soulignés pour marquer l’urgence.
La solution finalement adoptée sera d’abaisser le niveau d’eau retenue. Ce qui ne pose aucun problème technique, puisque le barrage est beaucoup trop grand, comme l’explique en creux le courrier du responsable de la CACG : « Le volume consommé en année moyenne pour [l’irrigation] oscille plutôt autour de 200 000 m3. » Ils avaient prévu 900 000 m3… Pour comprendre les liens étroits qui unissent le conseil général et la CACG, il faut se tourner vers le fonctionnement de cette dernière. Société anonyme d’économie mixte, son conseil d’administration est principalement composé d’élus départementaux et régionaux, pour la plupart des barons du PS local ou du parti radical de gauche. Le président de ce conseil, par exemple, n’est autre que Francis Daguzan, vice-président du conseil général du Tarn. À ses côtés, on trouve André Cabot, lui aussi vice-président du conseil général du Tarn, mais aussi membre du conseil d’administration de l’Agence de l’eau, qui finance la moitié du projet de barrage de Sivens (dans le montage financier, l’Europe doit ensuite en financer 30 %, les conseils généraux du Tarn et du Tarn-et-Garonne se partageant équitablement les 20 % restants).
On trouve ensuite des représentants des chambres d’agricultures, tous adhérents à la FNSEA, syndicat fer de lance de l’agriculture intensive. Aucun représentant de la Confédération paysanne dans ce conseil d’administration. Seule la Coordination rurale a obtenu un strapontin, mais ce syndicat se dit favorable au barrage. Pour compléter le tableau, siègent un administrateur salarié et des représentants de grandes banques. Des élus juges et parties, des partisans de l’agriculture intensive et des banquiers, chacun, ici, a intérêt à favoriser des ouvrages grands et onéreux.

Un chantier à marche forcée

Pour y parvenir, ce n’est pas très compliqué : les études préalables à la construction d’une retenue sont confiées à… la CACG, qui se base, pour (sur)estimer les besoins en eau du territoire, sur les chiffres de… la chambre d’agriculture, tenue par la FNSEA. Le conseil général, soucieux de la bonne santé financière de sa société d’économie mixte, n’a plus qu’à approuver, sans trop regarder à la dépense. Un fonctionnement en vase clos qui laisse beaucoup de place aux abus, et bien peu à l’intérêt général.
Exemple, à Sivens : compte tenu du fait que « la quantité de matériaux utilisables pour constituer une digue est insuffisante sur le site et, d’autre part, le coût des mesures compensatoires (…) et du déplacement d’une route et d’une route électrique », le conseil général explique dans sa délibération actant la construction du barrage que « le coût de l’ouvrage est relativement onéreux » – et encore, l’ouvrage était alors estimé à 6 millions, contre plus de 8 aujourd’hui. Pourtant, comme l’ont regretté les experts dépêchés par Ségolène Royal, aucune alternative n’a sérieusement été recherchée, et le projet a été voté en l’état par les élus. Pourquoi la CACG se serait-elle décarcassée à trouver un projet moins cher, alors qu’elle savait déjà qu’elle se verrait confier la construction de cette retenue ? Il ne reste plus, ensuite, qu’à lancer les travaux, et vite. L’exemple de Fourogue a montré aux élus que, quels que soient les recours en justice, l’important était de finir le chantier avant que les délibérés ne soient rendus. Aujourd’hui, le barrage baigne certes dans l’illégalité, mais il existe…
Le 14 septembre, les manifestants ont eu un aperçu de l’empressement des promoteurs à boucler les travaux du Testet. Ce dimanche-là, ils s’attendaient tous à une mobilisation très importante de forces de l’ordre dès le lendemain. La raison : deux jours plus tard, le tribunal administratif de Toulouse allait rendre son délibéré sur la légalité du déboisement. Grâce à de solides arguments en leur faveur, ils avaient bon espoir que le juge leur donne raison. « Ils vont tout faire pour finir le déboisement avant le délibéré », estimait alors Fabien, un jeune zadiste de 25 ans, qui se préparait à voir débarquer en nombre les gendarmes mobiles au petit matin.
Ce fut finalement encore plus rapide : les escadrons sont arrivés dès le dimanche soir afin que les machines puissent s’installer sur la zone, et commencer à couper les arbres restants à la première heure. Le mardi, le tribunal administratif n’a finalement pas donné raison à France Nature Environnement, à l’origine du recours en référé : il s’est déclaré incompétent, tout en condamnant l’association à 4’000 euros d’amende pour « saisine abusive ». Mais, de toute façon, le déboisement avait été achevé quelques heures plus tôt. On n’est jamais trop prudents… À marche forcée, le conseil général et la CACG entendent donc finir le plus rapidement possible le chantier de Sivens. Ainsi, les opposants n’ont jamais obtenu ce qu’ils souhaitaient : un débat contradictoire avec le président du conseil général du Tarn. Droit dans ses bottes, Thierry Carcenac (PS) n’a jamais pris le temps de les recevoir. Le premier ministre Manuel Valls a clairement exprimé son soutien au projet, ce qui n’a sans doute pas déplu à Jean-Michel Baylet [membre du Parti radical et d’une dynastie politique dans le Tarn-et-Garonne] , président du département du Tarn-et-Garonne mais aussi président des radicaux de gauche aujourd’hui si précieux à la majorité socialiste.
Pour que les travaux avancent, les promoteurs ont ainsi pu compter sur le soutien sans faille de l’État et de la préfecture, qui a mobilisé durant des semaines d’importantes forces de l’ordre. Les zadistes, organisés en « automédias », ont fait tourner sur les réseaux sociaux des vidéos prouvant les abus de certains gendarmes mobiles. Lorsqu’il s’est exprimé après le drame, le dimanche 26 octobre, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve s’est pourtant surtout attaché à défendre le travail des forces de l’ordre et à rejeter la faute sur « un groupe [de manifestants] extrémistes de 200 personnes environ ».
Cette course effrénée a déjà eu raison des experts du ministère, qui estiment que, « compte tenu de l’état d’avancement des travaux et des engagements locaux et régionaux pris avec la profession agricole », « il semble difficile » d’arrêter le chantier. La mort de Rémi Fraisse a mis un coup d’arrêt aux travaux. Mais pour combien de temps ? Deux jours plus tard, Thierry Carcenac n’avait pas du tout l’intention d’abandonner le projet : « L’arrêt total du projet de barrage à Sivens aurait des conséquences sur l’indemnisation aux entreprises. »
Son empressement à reprendre les travaux n’est pas anodin : rien ne dit que, comme pour Fourogue, la déclaration d’intérêt public du barrage de Sivens ne sera pas annulée en justice. Cette question fait l’objet de l’un des nombreux recours déposés par le Collectif Testet et d’autres associations. Et les délibérés pourraient ne pas être rendus avant deux ans. (publié sur le site Médiapart, le 29 octobre 2015)
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Rémi : « Ni oubli ni pardon »

Le décès de Rémi Fraisse, ce week-end à Sivens dans le Tarn, n’est pas un accident. C’est le résultat de deux mois de violences policières croissantes envers les opposantEs à un barrage que les experts de Ségolène Royal viennent de disqualifier sur de nombreux points du dossier.
Rémi, jeune toulousain de 21 ans et militant investi au sein de Nature Midi-­Pyrénées, a été victime de l’explosion d’une grenade offensive dans le dos. De nombreux témoignages mettent en cause la responsabilité policière dans un contexte où les tirs de lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de flash-balls ont duré une partie de la nuit. Durant la nuit où Rémi a trouvé la mort, au moins dix personnes ont été évacuées à l’hôpital, dont trois avec des blessures graves. De peur de voir se multiplier les résistances comme à Notre-Dame-des-Landes, l’État cherche à briser par la violence et la criminalisation un mouvement qui s’étend et s’approfondit.

Un rassemblement réussi

Environ 4000 manifestantEs, beaucoup de jeunes, ont fait le déplacement dans une ambiance d’abord festive. La solidarité est venue de toute la France, y compris des représentantEs d’autres luttes contre des grands projets inutiles imposés, Notre-Dame-des-Landes par exemple. Un week-end très réussi et bien organisé : parking, navettes, aire de campement, chapiteaux avec activités ludiques, stand d’information des associations et des politiques, lieux de débats, restauration, etc. Débats et témoignages se sont succédés. Un bon millier de personnes ont écouté avec attention toutes les interventions, pour la plupart convergentes dans les grandes lignes.

Changer de société

Bien présent, le NPA a montré l’engagement de notre parti pour le maintien d’une agriculture solidaire, écologique et non-­productiviste. Prenant la parole au nom du NPA, François Favre a fait le parallèle entre le barrage de Sivens, le barrage de la Barne dans le Gers et d’autres projets similaires dans tout le Sud-Ouest. Chiffres à l’appui, il a montré le coût exorbitant de cette production d’eau pour irriguer des cultures de maïs intensives. Il a aussi démonté le mécanisme des conflits d’intérêts dans des montages financiers faits en dehors de toute consultation et de toute participation de la population. C’est bien le système capitaliste qui génère ce genre de projet, où les profits à venir pour quelques-uns motivent une offensive contre l’intérêt de tous. Pas d’autres solutions que de changer de modèle de société. Bien accueilli, Philippe Poutou est arrivé samedi en fin d’après-midi, où il a pu échanger avec de nombreux acteurs de la lutte et participer à diverses activités.

La lutte doit s’amplifier

Commandé par le ministère de l’Écologie, le rapport d’expertise critique fortement le projet, donnant ainsi raison aux opposantEs, mais « juge difficile d’arrêter le chantier » ! Les travaux sont suspendus jusqu’à mercredi 29 octobre. La décision de reprise est entre les mains du gouvernement et du conseil général. La mort de Rémi ne doit pas rester impunie. Comme l’ont revendiqué des milliers de manifestantEs un peu partout en France, « ni oubli ni pardon » ! Ainsi lundi 28 octobre à Albi, 500 personnes se sont rassemblées devant la préfecture avant de converger vers le tribunal de grande instance. Le cortège s’est vu bloqué par les gardes mobiles, le centre-ville encerclé et les gazages ont commencé, comme la veille à Gaillac. La journée s’est soldée par une dizaine d’arrestations. Depuis lundi, des contrôles routiers, avec gendarmes en tenue militaire, ont été mis en place dans le département, notamment sur les routes d’accès à la ZAD du Testet… Le NPA condamne cette situation de violence policière provoquée par l’obstination du conseil général et de l’État, une obstination qui vient de conduire à l’irréparable. Des rassemblements ont lieu dans les jours qui viennent : soyons y nombreuses et nombreux ! Rien n’arrêtera le mouvement. (CorrespondantEs du NPA 81)
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LE FIGARO

Sivens : le tireur de grenade ne sera pas suspendu, assure le patron des gendarmes

Le directeur général de la gendarmerie Denis Favier a apporté mercredi soir sur BFMTV son soutien à l’escadron de gendarmerie qui se trouvait sur place quand le jeune opposant au barrage de Sivens est mort. Des vidéos tournées par les forces de l’ordre à ce moment-là ont été ajoutées au dossier de l’enquête.
« J’estime qu’il n’y a pas de faute intentionnelle volontaire et il n’est pas envisageable de suspendre quelqu’un ». Ne voulant « laisser personne au bord du chemin », le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) Denis Favier a exclu mercredi soir de suspendre le gendarme qui a tiré la grenade provoquant la mort de Rémi Fraisse sur le site du barrage controversé de Sivens.
« L’ensemble de la gendarmerie exprime sa compassion » pour la famille du jeune manifestant, a déclaré Denis Favier, interrogé sur BFM TV. « Nous avons tous besoin de savoir ce qui s’est passé ». Il a affirmé être allé à la rencontre des gendarmes qui se trouvaient sur place dans la nuit de samedi à dimanche. Un « escadron meurtri, profondément touché par cette opération et conscient du drame qui s’est produit », selon lui.
« J’ai trouvé des hommes qui pendant des heures ont été harcelés, ont fait l’objet de tirs de pierres, de tirs de boulons, de cocktails Molotov, et ont été malmenés par des gens qui avaient très clairement la volonté d’en découdre », a-t-il assuré dans sa première réaction après la mort du jeune homme.
Concernant la victime, décrite comme pacifique par ses proches, le DGGN n’a pas su dire s’il se trouvait face aux gendarmes ce soir-là pour « en découdre ». Le patron des gendarmes est en tout cas formel : « Ceux qui étaient au contact à 2h du matin » étaient là « pour en découdre ».

« J’assume ma part de responsabilité »

Denis Favier assure avoir rencontré le tireur, et rappelle que le lancement d’une grenade fait l’objet d’un protocole, que ce n’est pas « une réaction d’initiative ». Il a précisé que la grenade avait été lancée à la main, un tir courbe « à une distance de 10 à 15 mètres ».
Selon lui, le gendarme qui a tiré n’a pas vu Rémi Fraisse tomber, mais d’autres dans le peloton sont allés récupérer la victime pour lui prodiguer des soins, tout en étant « harcelés par les manifestants ». Il a rappelé aussi que deux gendarmes avaient été blessés. Des vidéos tournées par les forces de l’ordre à ce moment-là ont été ajoutées au dossier de l’enquête.
« J’assume ma part de responsabilité », a affirmé le directeur général de la gendarmerie nationale, ajoutant qu’il n’avait pas « l’intention de demissionner ». « C’est un drame que je qualifie d’accidentel, il n’y a pas d’intention coupable de la part de la gendarmerie ».
Le parquet de Toulouse a ouvert mercredi une information judiciaire pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». L’emploi des grenades offensives utilisées par les forces de l’ordre a été suspendu mardi par le ministre de l’Intérieur.
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Le Monde.fr

Barrage de Sivens : ouverture d’une information judiciaire après la mort de Rémi Fraisse

Trois jours après la mort de Rémi Fraisse, jeune opposant au barrage de Sivens, le parquet de Toulouse a ouvert, mercredi 29 octobre, une information judiciaire pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».
Cette enquête, ouverte contre X, vise des « faits commis par une personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions », a annoncé le parquet dans un communiqué, précisant que deux juges d’instruction ont été désignés pour mener les investigations et que l’inspection générale de la gendarmerie nationale a été saisie.
Le corps de l’étudiant de 21 ans avait été retrouvé dans la nuit de samedi à dimanche par les forces de l’ordre sur le site du projet de barrage contesté après des affrontements entre ces dernières et les opposants au barrage. Mardi, de nouvelles analyses ont permis de préciser les causes de sa mort.

Qu’ont révélé les analyses ?

Les premières analyses, rendues publiques lundi, avaient révélé l’existence d’une « plaie importante située en haut du dos » de la victime, selon le procureur d’Albi, Claude Derens, une brûlure profonde, selon nos informations. Cette plaie a « été causée, selon toute vraisemblance, par une explosion », affirmait lundi M. Derens.
Mardi, le magistrat a annoncé que des traces de TNT, l’explosif utilisé dans les grenades offensives des gendarmes, avaient été retrouvées sur les vêtements de la victime.

Quelle piste est désormais privilégiée ?

Après ces révélations, la thèse d’une mort due à un projectile lancé par les forces de l’ordre est privilégiée. En effet, la présence de TNT sur les effets vestimentaires de Rémi Fraisse « ne peut donc aujourd’hui exclure le rôle de la grenade offensive jetée depuis la redoute où s’étaient retranchés les gendarmes », d’après les propres termes de Claude Derens, mardi.
Ces analyses accréditent donc la thèse défendue jusqu’ici par les proches de la victime. L’avocat de la famille avait annoncé lundi avoir déposé deux plaintes : l’une pour « homicide volontaire » et la seconde pour « violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner » commises « par une ou plusieurs personnes dépositaires de l’autorité publique ».
L’avocat s’était d’ailleurs avancé mardi matin, avant même les résultats des analyses : « Je m’oriente plutôt vers un tir d’arme, un projectile, Flash-Ball, grenade, à tir tendu, assez proche, pendant une charge des gendarmes mobiles. »
Le premier ministre, Manuel Valls, est revenu sur l’affaire, mercredi. Interrogé sur RTL, il a affirmé qu’en plus d’une enquête interne, une « enquête administrative sera également menée par l’inspection générale de la police nationale et de la gendarmerie ». « Nous n’avons rien à cacher (...), rien à craindre », a-t-il lancé.
Le directeur général de la gendarmerie nationale, Denis Favier, a pour sa part exclu de suspendre le gendarme qui a tiré la grenade. Après avoir exprimé « une pensée de compassion » pour la famille du jeune homme, le patron des gendarmes a expliqué à BFM-TV accorder son « soutien total » à l’escadron.

Quelles grenades ont été utilisées ?

Les interrogations autour de la dangerosité des grenades offensives ont été soulevées mardi. Outre les grenades lacrymogènes, les forces de l’ordre, gendarmes et policiers, emploient deux types de grenades lors de manifestations qui dégénèrent : celles dites de « désencerclement » ou « assourdissantes », et celles dites « offensives ».
Les premières contiennent de petites billes en plastique qui éclatent lors de l’explosion, et « peuvent éventuellement blesser très légèrement, mais c’est très rare », selon une source policière travaillant dans le maintien de l’ordre. Les secondes sont en revanche plus puissantes. « Cela provoque un bon effet de souffle et pas mal de bruit », précise une source sécuritaire. Les forces de l’ordre, lorsque cela est possible, doivent prévenir les manifestants que des grenades vont être tirées.
Si la grenade offensive peut provoquer parfois de graves blessures, les spécialistes se montrent catégoriques : elles ne peuvent tuer, sauf improbable concours de circonstances. Dans l’hypothèse où l’une de ces grenades aurait provoqué la mort de Rémi Fraisse, tous les experts évoquent une combinaison avec un autre élément comme un fumigène, une cartouche de gaz ou même peut-être un aérosol.
« Sans attendre les résultats » de l’enquête administrative sur les conditions d’utilisation des grenades offensives, qui devraient être connus d’ici à quinze jours, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mardi soir la suspension de l’utilisation de ces projectiles par la gendarmerie.

Qui est chargé de l’affaire ?

La révélation des traces de TNT sur les vêtements de Rémi Fraisse modifie également la gestion de l’enquête. C’est désormais du ressort du pôle criminel de Toulouse d’instruire des faits commis par des militaires de la gendarmerie dans le Tarn. Le procureur d’Albi a donc déclaré mardi qu’il se dessaisissait du dossier au profit du parquet de Toulouse, qui a ouvert une information judiciaire pour « violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner », mercredi.
Dans la soirée, le défenseur des droits, Jacques Toubon, a également annoncé se « saisir d’office » du dossier :
« Le fait que je me saisisse d’office ne signifie en aucune façon que nous avons une idée préconçue des responsabilités des uns ou des autres (…). Nous allons saisir le procureur de Toulouse pour demander l’autorisation d’ouvrir une enquête (…). Nos procédures nous permettrons ensuite, si besoin, de demander au ministre de l’intérieur des sanctions disciplinaires. »
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LE MONDE

Bernard Cazeneuve : « Il ne s’agit pas d’une bavure »

Alors que l’enquête sur la mort du manifestant Rémi Fraisse au barrage de Sivens progresse, la thèse d’une grenade offensive des gendarmes à l’origine de l’explosion mortelle se renforce. Après l’annonce par le procureur d’Albi de la découverte de traces de TNT – l’explosif utilisé dans ces projectiles de la gendarmerie – sur les vêtements de Rémi Fraisse, le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé mardi 28 octobre la suspension de l’utilisation des grenades offensives.
« Il ne s’agit pas d’une bavure », a toutefois asséné le ministre, invité de l’émission « Preuves par 3 » Public Sénat-AFP-Dailymotion. « On ne peut pas présenter les choses ainsi », a-t-il répété. En parallèle de l’enquête menée sur la mort de Rémi Fraisse, Bernard Cazeneuve a toutefois annoncé qu’une enquête administrative avait été demandée par son ministère sur les conditions d’utilisation de ces grenades offensives, dont les conclusions devraient être connues d’ici à quinze jours.
« UN BON EFFET DE SOUFFLE »
Dans des affrontements avec les manifestants comme ce fut le cas ce week-end dans le Tarn, les gendarmes et policiers emploient – outre les grenades lacrymogènes – deux types de grenades : celles dites de « désencerclement » ou « assourdissantes », et celles dites « offensives ».
Les premières contiennent de petites billes en plastique qui éclatent de façon fragmentée au moment de l’explosion, et « peuvent éventuellement blesser très légèrement, mais c’est très rare », selon une source policière travaillant au maintien de l’ordre. Les secondes sont en revanche plus puissantes. « Cela provoque un bon effet de souffle et pas mal de bruit », explique une source sécuritaire.
Ce genre de grenade peut provoquer parfois de graves blessures. « Il suffit qu’un manifestant prenne à la main une grenade offensive au moment où elle explose et il peut avoir la main arrachée, c’est déjà arrivé », a expliqué cette source. L’utilisation de l’une ou l’autre de ces grenades dépend de la situation et de l’appréciation des forces de l’ordre qui, lorsque cela est possible, doivent prévenir les manifestants que des grenades vont être tirées.
Mais les spécialistes se montrent catégoriques : ces deux types de grenades ne peuvent tuer, sauf improbable concours de circonstances. Dans l’hypothèse où l’une de ces grenades aurait provoqué la mort de Rémi Fraisse, tous les experts évoquent une combinaison avec un autre élément comme un fumigène, une cartouche de gaz ou même peut-être un aérosol.
LE GOUVERNEMENT DOIT « ASSUMER SA RESPONSABILITÉ »
Pour désamorcer la polémique, le ministre de l’intérieur a donc préféré prendre les devants. Après les annonces du procureur mardi, les voix s’étaient rapidement élevées pour mettre en avant la responsabilité du ministère. Le Parti de gauche (PG) de Jean-Luc Mélenchon a ainsi réclamé la démission de Bernard Cazeneuve : « C’est aux responsables politiques du maintien de l’ordre d’être sanctionnés. En République, la démission du ministre Cazeneuve est la seule façon pour le gouvernement d’assumer sa responsabilité », écrit le PG dans un communiqué.
L’écologiste Noël Mamère avait pour sa part estimé que « la commission d’enquête parlementaire s’impose pour savoir si les forces de l’ordre ont été contrôlées ». « On ne peut pas construire un barrage sur un cadavre ; pour des raisons morales et éthiques, ce projet ne peut être poursuivi. Nous sommes confrontés à une affaire d’Etat » a-t-il encore expliqué.
Après avoir témoigné de sa « compassion pour la douleur de sa famille », le premier ministre, Manuel Valls, a, lui, tenu à défendre son ministre de l’intérieur et les forces de l’ordre. « Je n’accepterai pas les mises en cause, les accusations qui ont été portées en dehors de l’Hémicycle à l’encontre du ministre de l’intérieur », a-t-il affirmé avant d’évoquer le « travail extrêmement difficile » des forces de l’ordre « confrontées souvent à une violence extrême », a-t-il déclaré mardi lors de la séance de questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale.

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