jeudi 23 octobre 2014

Vers la semaine de 21 heures

Travailler moins pour améliorer le bien-être de tous et consommer différemment. C’est ce que préconise un groupe de réflexion britannique.

 
© Dessin de Kopelnitsky, Etats-Unis. © Dessin de Kopelnitsky, Etats-Unis.
  
En France
Le taux de chômage a atteint 10 % en moyenne au dernier trimestre 2009. En métropole, il s’établit à 9,6 % (2,7 millions de personnes), du jamais-vu depuis 1999. Plus généralement, note l’INSEE, 3,4 millions de personnes ne travaillent pas mais souhaiteraient le faire. Les plus durement touchés sont les jeunes. Dans la tranche des 15-24 ans, 25,3 % des hommes et 22,3 % des femmes sont au chômage. Par ailleurs, le chômage technique ou partiel a concerné 144 000 personnes.
Imaginez que la semaine de travail de 21 heures soit la norme. Comment occuperiez-vous une froide journée d’hiver ? Vous pourriez rester plus longtemps au lit, vous auriez plus de temps à passer avec vos enfants, plus de temps pour lire, pour voir votre mère, pour voir vos amis, pour réparer la gouttière, pour faire de la musique, pour préparer le déjeuner, pour vous promener dans le parc. Ou bien est-ce que vous vous demanderiez simplement comment faire pour payer vos factures ?

L’économiste John Maynard Keynes [1883-1946] imaginait une semaine de 15 heures au début du XXIe siècle, parce qu’il pensait que nous n’aurions plus besoin de travailler autant pour satisfaire nos besoins matériels. Mais la liste de ce dont nous estimons avoir besoin s’est considérablement allongée. Et, au lieu de raccourcir, la semaine de travail a fait de même. [La durée légale du travail en Grande-Bretagne est limitée à 48 heures hebdomadaires, plafond fixé par une directive européenne. Les 21 heures correspondent grosso modo à la moyenne actuelle, incluant les temps partiels.]

En France, l’expérience des 35 heures a donné des résultats mitigés

Aujourd’hui, la New Economics Foundation [NEF, Fondation pour une nouvelle économie] propose une semaine de travail beaucoup plus courte – l’objectif est d’arriver à 21 heures – pour faire face à trois crises majeures du XXIe siècle. Tout d’abord, la menace du changement climatique signifie que nous devons réduire drastiquement nos émissions de CO2, en achetant moins de produits gourmands en énergie et en revoyant l’idée que nous nous faisons de nos besoins. Ensuite, du fait de la crise économique mondiale, des millions de personnes sont au chômage ou sous-employées alors que de plus en plus de gens sont surchargés de travail et ont du mal à concilier vie professionnelle et vie familiale. Enfin, le creusement des inégalités socio-économiques a accentué les clivages dans la société, avec des niveaux de bien-être très bas, en particulier chez les enfants.
Taux de chômage
Alors que certains travaillent, gagnent et consomment trop, d’autres ont à peine de quoi vivre. Une semaine de travail beaucoup plus courte nous aiderait, les uns et les autres, à mener une vie plus satisfaisante en répartissant plus équitablement les activités rémunérées et non rémunérées au sein de la population.

Nous pouvons apprendre des Français, chez qui l’expérience de la semaine de 35 heures, mise en place il y a dix ans, a donné des résultats mitigés. C’est parmi les femmes ayant des enfants en bas âge et les salariés bénéficiant de revenus élevés qu’elle a été le mieux accueillie. D’autres travailleurs, en particulier dans les tranches de revenus les plus faibles, ont eu le sentiment de ne pas pouvoir maîtriser suffisamment leur temps, étant donné que la répartition des 1 600 heures de travail annuelles était fixée par leur employeur. Mais, lorsque le président Sarkozy a supprimé le plafond des 35 heures, la plupart des employeurs ont maintenu les accords existants.

Téléchargez ce rapport en PDFLa NEF ne préconise pas un changement soudain ou imposé, mais une lente évolution sur une décennie, voire plus. Les augmentations de salaire pourraient être progressivement troquées contre des horaires plus courts. On aurait le temps d’adapter les incitations offertes aux employeurs, de décourager les heures supplémentaires, de réduire les charges, d’accroître la flexibilité dans un sens qui convienne aux salariés et de développer la formation pour pallier la pénurie de compétences. On aurait aussi le temps d’instaurer un salaire minimum plus élevé et un impôt plus progressif, de faire évoluer les attentes des gens et de s’adapter à un mode de vie pauvre en émissions de carbone, qui requière plus de temps et moins d’argent.

Dans le cadre de cette transition, les services publics doivent être préservés et améliorés de manière que chacun ait accès à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres prestations essentielles et se sente relativement protégé des aléas de la vie.

La perception de ce qui est normal peut parfois changer subitement, comme on l’a vu avec l’interdiction de fumer dans les cafés et les restaurants. L’opinion publique peut basculer de l’aversion à l’acceptation, notamment quand se conjuguent de nouvelles données, un nouveau contexte, un sentiment de crise et une campagne forte.

Comme nous le soulignons dans le rapport “21 Hours”, nous avons déjà des données solides, un contexte qui a évolué et un profond sentiment de crise. La campagne, elle, démarre ici.


* Responsable des politiques sociales à la New Economics Foundation et coauteure du rapport “21 Hours”.

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