jeudi 10 octobre 2013

Le Président François Hollande est-il socialiste ?

Par Salim Lamrani
Source : Altermonde sans frontières 
Avec la nouvelle réforme du système des retraites, le gouvernement de François Hollande devient le premier gouvernement de gauche de la Vème République à porter atteinte aux acquis sociaux.
Le Premier Ministre français Jean-Marc Ayrault a annoncé le 27 août 2013 une nouvelle réforme du système des retraites avec un allongement de la durée de cotisations à 43 ans. C’est la première fois dans l’histoire de la Vème République qu’une majorité de gauche s’en prend à ce symbole du progrès social acquis au prix de nombreuses luttes : le droit à une existence digne pour les dernières années de vie. Ni le Président Jacques Chirac (1995-2007), ni le Président Nicolas Sarkozy (2007-2012) – tous deux de droite et de sensibilité néolibérale – n’avaient osé retarder à ce point l’âge de départ à la retraite. [1]
Pourtant, lorsqu’il se trouvait dans l’opposition, François Hollande avait vigoureusement condamné l’allongement de la durée de cotisations à 41 ans suite aux réformes de 2003 (Loi Fillon) entreprises par Chirac : « Le projet du gouvernement Raffarin appelle trois refus majeurs de la part des socialistes : Le refus d’une philosophie qui consiste à demander aux salariés de travailler plus longtemps pour gagner moins. L’allongement de la durée de cotisations – 40, 41, 42 ans et davantage encore si c’est nécessaire - était la position du Medef, c’est la solution du gouvernement Raffarin ». [2]
Lorsqu’en 2010, Nicolas Sarkozy a de nouveau allongé la durée de cotisations, Hollande n’avait pas manqué de stigmatiser cette atteinte à un acquis social cher aux citoyens français : « C’est la réforme la plus injuste qui a été arbitrée par le Président Nicolas Sarkozy. Il a voulu avant tout envoyer un signal aux marchés et aux partenaires européens. Il a choisi de faire payer les pauvres et ceux qui ont commencé à travaillé tôt. Cette réforme va pénaliser ceux qui sont rentrés tôt dans la vie active qui pouvaient partir à 60 ans, qui avaient tous leurs droits, mais qui devront travailler non plus 41 années, mais 42 ans, 43 ans, voire 44 ans ». [3]
Mais une fois au pouvoir, loin d’abroger les réformes Fillon et Sarkozy, François Hollande les a validées et est allé plus loin, portant ainsi atteinte à toute une catégorie de personnes vulnérables, c’est-à-dire les personnes âgées. En effet, pour pouvoir partir avec une retraite pleine, les travailleurs devront cotiser davantage, jusqu’à 43 années. Or, il est de notoriété publique que le chômage des seniors est de plus en plus important, tout comme celui des jeunes. La conséquence prévisible et inévitable sera qu’un nombre de plus en plus élevé de personnes seront contraintes de partir à la retraite sans avoir cotisé assez pour bénéficier d’une pension complète, ce qui entrainera une hausse de la pauvreté et de la précarité des gens du troisième âge. L’argument brandi par Hollande – d’habitude évoqué par les néolibéraux – est que la hausse de l’espérance de vie, désormais considéré comme un handicap, appelle un allongement de la durée de cotisations. Or, si l’espérance de vie augmente, c’est précisément parce que les gens travaillent moins longtemps et peuvent profiter de leur retraite en bonne santé. Ainsi, la réforme Hollande aura un impact sur l’état de santé des travailleurs et donc sur leur espérance de vie.
Par ailleurs, cette réforme – exigée par la Commission européenne –, qui prévoit également une hausse des cotisations vieillesse et donc une baisse des salaires, est un contresens économique. En effet, elle aggrave l’austérité à la fois pour les personnes âgées n’ayant pas atteint le nombre d’années nécessaires de travail – dont les pensions diminueront automatiquement –, et pour les jeunes qui entreront plus tardivement sur le marché de l’emploi en raison du départ différé de leurs ainés. Ainsi, la baisse des salaires due à la hausse des cotisations et la baisse des pensions de retraite entraineront une diminution de la consommation, donc une réduction de l’activité économique, laquelle se traduira par une hausse du chômage, pour déboucher sur une baisse des recettes de l’État (impôts non payés par les nouveaux sans-emploi) et une hausse de ses dépenses (pour payer les allocations-chômage). Depuis son arrivée au pouvoir, François Hollande a multiplié les décisions favorables aux puissances d’argent, avec notamment le crédit d’impôt pour les entreprises de 20 milliards d’euros et le refus de réguler la finance malgré les promesses électorales. Il a également adopté des mesures contre l’intérêt général et les catégories les plus modestes, avec la hausse de la TVA et la réforme du système de retraites.
La conséquence a été immédiate : sur les huit élections partielles tenues sous la présidence de Hollande depuis mai 2012, dont cinq circonscriptions étaient tenues par la majorité présidentielle, le Parti socialiste les a toutes perdues.
Salim Lamrani
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis. Son nouvel ouvrage s’intitule Cuba. Les médias face au défi de l’impartialité, Paris, Editions Estrella, 2013 et comporte une préface d’Eduardo Galeano
 
[1] Jean-Marc Ayrault, « Réformes des retraites : garantir notre système, corriger les injustices », Portail du Gouvernement de la République française, 27 août 2013. gouvernement.fr (site consulté le 1er septembre 2013)
[2] François Hollande, « Discours de clotûre au Congrès de Dijon », 18 mai 2013, Parti Socialiste. discours.parti-socialiste.fr (site consulté le 1er septembre 2013
[3] Agence France Presse, « Retraites : Sarkozy a choisi ‘la réforme la plus injuste’ selon Hollande », 16 juin 2010.
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